Les magnétars: derrière ce nom se cachent de mystérieuses étoiles qui sont les aimants les plus puissants de l'Univers. Et pour la première fois, des astronomes européens pensent avoir percé le secret de la naissance de ces monstres cosmiques, au nombre d'à peine une vingtaine dans notre galaxie.

Les magnétars (contraction de «magnetic star») sont les étranges vestiges, incroyablement denses, de l'explosion d'une étoile massive qui s'effondre sous son propre poids. Sauf que dans la grande majorité des cas, une telle explosion de supernova donne lieu, soit à une étoile à neutrons, soit à un trou noir.

Or, si les magnétars sont bien des étoiles à neutrons, ils paraissent bien «exotiques» aux yeux des scientifiques.

«Ils sont caractérisés par de faibles dimensions et une densité extrême», indique dans un communiqué l'Observatoire européen austral (ESO), soulignant qu'une cuillère à café de matière présente dans un magnétar pèserait à elle seule plusieurs milliards de tonnes!

Leur intensité magnétique est également extraordinaire, «des millions de fois supérieure à celle des aimants les plus puissants qui existent sur Terre.»

Les astronomes qui ont étudié l'un de ces magnétars, situé dans un amas à 16 000 années-lumière de la Terre, dans la constellation australe de l'Autel, estiment qu'il provient de l'explosion d'une étoile 40 fois plus massive que le Soleil.

«Toutefois, cette hypothèse se heurte à la théorie bien établie selon laquelle des étoiles aussi massives doivent normalement s'effondrer pour donner lieu à des trous noirs, non à des étoiles à neutrons», explique Simon Clark, de l'Open University britannique.

Pour remédier à ce problème, les astronomes ont proposé comme explication que ce magnétar avait pu naître des interactions de non pas une mais deux étoiles massives tournant l'une autour de l'autre en un «système binaire» très compact.

- Étoiles fuyantes -

Hélas, ils ont eu beau scruter le ciel austral, ils n'ont trouvé aucune «étoile compagnon» au voisinage de ce fameux magnétar au nom de code barbare (CXOU J164710.2-455216).

À l'aide du VLT, le Très grand télescope de l'ESO au Chili, Simon Clark et son équipe se sont donc lancés sur la piste d'«étoiles fuyantes» qui auraient pu être expulsées de leur orbite par l'explosion de la supernova ayant engendré le magnétar.

Et ils ont fini par débusquer l'oiseau rare qui remplit précisément tous les critères permettant d'expliquer pourquoi un magnétar est apparu en lieu et place du trou noir prévu par la théorie.

Baptisée Westerlund 1-5, «cette étoile est non seulement dotée de la vitesse élevée qu'aurait pu lui conférer l'explosion d'une supernova mais également de la faible masse, de la forte luminosité et de la grande proportion de carbone impossibles à obtenir dans une étoile isolée», assure Ben Ritchie, coauteur de cette découverte, publiée dans la revue Astronomy & Astrophysics.

Une trouvaille qui permet de reconstituer le processus de formation du magnétar: dans un premier temps, l'étoile la plus massive du couple a commencé par perdre son carburant, «transférant ses enveloppes externes à son compagnon moins massif - qui deviendra ensuite le magnétar - et lui impulsant une vitesse de rotation toujours plus élevée», résume l'ESO.

C'est précisément cette rotation ultra-rapide qui semble jouer un rôle essentiel dans la formation du champ magnétique très intense du magnétar.

Dans un second temps, l'étoile compagnon nourrie par sa voisine est devenue à son tour si massive qu'elle aussi finit par expulser une grande quantité de matière. La majorité de cette matière a disparu mais une petite partie a été rendue à l'étoile dont elle provenait initialement: Westerlund 1-5 qui continue encore aujourd'hui à briller.

Quant à l'étoile compagnon, si elle n'avait pas régurgité toute cette matière, elle se serait changée en trou noir. Et c'est cet improbable échange entre les deux étoiles qui lui a permis de se transformer en magnétar, «un régime aux conséquences cosmiques», conclut Francisco Najarro (Centre d'Astrobiologie, Espagne), également membre de l'équipe de l'ESO.