L'Europe spatiale va être confrontée cette semaine, sur fond de crise économique, à des choix cruciaux, notamment sur l'avenir de la fusée Ariane ou la poursuite de son engagement dans la Station spatiale internationale (ISS).

Réunis mardi et mercredi à Naples, les ministres responsables de l'espace des États membres de l'Agence spatiale européenne (ESA) et du Canada vont devoir définir ses programmes futurs et leurs enveloppes budgétaires.

Dans une interview à l'AFP, le directeur général de l'ESA, Jean-Jacques Dordain, a déclaré qu'il espérait un budget de 12 milliards d'euros sur trois ans, mais serait heureux avec «quelque chose de l'ordre de 10 milliards d'euros.»

La dernière réunion ministérielle de l'ESA remonte à 2008, année où a commencé la crise financière qui pèse aujourd'hui sur l'économie de nombreux pays européens, contraignant les gouvernements à prendre des mesures d'austérité.

«Il y a de nombreux sujets sur la table», a déclaré à l'AFP David Williams, chef de l'Agence spatiale britannique. «Il y aura beaucoup de discussions en coulisse et de tractations. L'essentiel, c'est que tout le monde veuille y aller et que ce soit un succès», a-t-il ajouté.

Les ministres devront en particulier s'efforcer de concilier les intérêts divergents de la France et de l'Allemagne, les plus gros contributeurs au budget de l'ESA avec l'Italie, sur l'avenir du lanceur Ariane. Réussite technologique, le lanceur européen apparaît aujourd'hui mal adapté à l'évolution du marché, qui réclame des lanceurs moins chers et plus modulables pour mettre en orbite des satellites tendant à devenir moins lourds.

La France veut obtenir à Naples un engagement européen sur le développement pour 2021 d'une fusée nouvelle génération, dite Ariane 6, tout en préparant la transition avec une version améliorée d'Ariane 5 (Ariane 5 ME).

«Raisonnablement optimistes»

«Nous sommes raisonnablement optimistes» sur les chances de cette proposition «ambitieuse et réaliste», également portée par le directeur général de l'ESA, a affirmé la ministre de la Recherche Geneviève Fioraso, qui représentera la France.

«Le développement d'Ariane 5 ME devrait au maximum servir, ou être transposable, pour Ariane 6», a-t-elle insisté.

Reste à savoir si l'Allemagne, qui a marqué sa préférence pour l'option moins ambitieuse, mais plus rapidement opérationnelle et moins coûteuse de l'Ariane 5 ME (deux milliards d'euros contre le double pour Ariane 6), acceptera le compromis.

Outre les restrictions budgétaires, pèse aussi dans la balance la montée de la concurrence dans le secteur spatial à la fois de la Chine et du secteur privé américain.

«Il faut s'orienter vers un lanceur ultra fiable, ultra pas cher et qui ne réclamera pas 120 millions de subvention d'exploitation par an» comme l'actuelle Ariane 5, a résumé le sénateur français Bruno Sido, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Autre point important à l'ordre du jour, l'avenir de la contribution européenne à la Station spatiale internationale (ISS) après 2015. Elle repose aujourd'hui essentiellement sur le vaisseau de ravitaillement ATV dont l'arrêt de la production a déjà été décidé.

«L'ESA doit rester partenaire de la station», a estimé M. Dordain.

Dans une tribune publiée début novembre, cinq spationautes français avaient plaidé pour que l'Europe continue à investir dans l'activité spatiale. «L'espace est un moteur de compétitivité et de croissance», assuraient-ils.