En prouvant qu'il est possible de s'éjecter à haute altitude et à faible vitesse, le saut record de l'aventurier autrichien Felix Baumgartner depuis 39 kilomètres d'altitude pourrait permettre d'améliorer la sécurité aéronautique, estiment des experts.

«Ce type d'exploit reste utile pour des vols d'essais à très haute altitude. Il prouve qu'on peut faire des éjections à très haute altitude ce qui n'avait pas encore été fait», souligne le Dr Bernard Comet, qui fut pendant plus de vingt ans le «médecin des astronautes» au Centre national d'études spatiales (CNES). Il est aujourd'hui responsable de télémédecine au Medes, Institut de Médecine et de Physiologie Spatiales, basé à Toulouse.

«Ca peut avoir un intérêt opérationnel lorsqu'on prépare des vols habités en se disant, qu'effectivement, en cas de problème, on peut éjecter les passagers à des altitudes très hautes avec un scaphandre autonome et un parachute», confirme Michel Viso, responsable des programmes d'exobiologie au CNES.

Encore faut-il que la vitesse soit faible pour qu'une telle solution soit envisageable, car pour réaliser son exploit, Felix Baumgartner est parti d'une vitesse nulle, insiste M. Viso.

«Si on rentre à 7 km/s dans l'atmosphère en scaphandre», comme c'est le cas pour les vaisseaux spatiaux revenant sur Terre, «on va être brûlé et le scaphandre avec», explique-t-il, écartant une telle éventualité.

Mais «dans une configuration bien particulière», une vitesse nulle, pas d'explosion à bord, etc., «ça augmente la plage à laquelle on peut sauver des astronautes».

«Je suis sûr que les ingénieurs peuvent prendre ça en compte pour envisager certaines solutions de secours», par exemple pour la conception des capsules Orion aux États-Unis ou des avions de haute altitude, principalement militaires, estime le spécialiste.

L'entraînement intensif de Felix Baumgartner et ses milliers de sauts en parachute ont également été déterminants dans son succès, estiment ces experts interrogés par l'AFP.

«Voile rouge»

L'Autrichien «a été très méthodique, il a fait cela très professionnellement, il s'est entraîné à sauter avec un scaphandre. Tout est dans l'entraînement, dans la maîtrise des aléas», estime Bernard Comet.

Pour lui, le risque dans un saut aussi extrême est surtout «de se mettre en rotation et de perdre connaissance.»

«Au-delà d'un certain nombre de tours par minute, vous perdez connaissance, avec le ''voile gris'' puis le ''voile noir'', en raison de l'accélération trop forte qui prive le cerveau de sang. C'est la syncope. Ce peut être aussi le ''voile rouge'' en cas d'afflux de sang au cerveau», explique le responsable de télémédecine à l'Institut de Médecine et de Physiologie Spatiales (Medes), basé à Toulouse.

«Dans cette phase instable, Baumgartner s'est très bien débrouillé, il a su maîtriser les rotations et a réussi très rapidement à se stabiliser», juge-t-il.

«C'est un exploit individuel, sportif, technique (...) mais pour l'instant, sur un plan scientifique, on n'a pas appris énormément de choses», renchérit Michel Viso.

«Il est dans un scaphandre pressurisé, il part d'une vitesse zéro, il va subir une accélération qui est celle de la gravité terrestre, c'est-à-dire 1 G», bien moins que les pilotes de chasse ou les astronautes.

«Ensuite, il va freiner très progressivement en rentrant dans les couches denses de l'atmosphère terrestre, donc le corps n'est pas soumis à des contraintes particulières», résume M. Viso.

«Le plus gros choc, c'est à l'ouverture du parachute. Mais avec les nouveaux parachutes, l'ouverture est suffisamment étalée (...) Sur un siège éjectable, le pilote d'avion subit un choc beaucoup plus fort qu'à l'ouverture d'un parachute», précise le Dr Comet.