Après une décennie de gestation, les radiotéléscopes d'ALMA, le plus vaste projet astronomique terrestre dans le désert du nord du Chili, ont commencé à sonder l'univers lointain, épiant deux galaxies en collision, à 70 millions d'années-lumière.

Le Vaste réseau d'antennes millimétriques d'Atacama (ALMA) a rendu ses premières observations de 12 radio-téléscopes opérationnels, sur les 66 que contiendra le méga-site, achevé d'ici deux ans. L'observation scientifique commence cette semaine.

«Nous vivons un moment historique pour la science, pour l'astronomie et peut-être l'humanité», a déclaré dans un communiqué lundi Thijs de Graauw, directeur d'ALMA, un projet au budget de 600 millions de dollars réunissant Europe, Etats-Unis et Japon, en coopération avec le Chili.

«Les Antennes» une paire de galaxies en collision situées à 70 millions d'années-lumière, dans la constellation du Corbeau découverte en 1785, ont été les premières épiées par ALMA.

«On y a découvert des concentrations massives de gaz, non seulement au coeur des deux galaxies, mais aussi dans la zone chaotique de collision. Des gaz en quantité des milliards de fois supérieure à la masse de notre soleil: une riche réserve de matériau pour de futures générations d'étoiles», a indiqué l'ALMA.

Cette vision des zones obscures ou froides de l'univers, à travers la captation d'ondes millimétriques et submillimétriques, serait impossible avec des télescopes observant la lumière visible, ou à infrarouge.

«C'est une nouvelle fenêtre dans l'univers sub-millimétrique, vitale pour nous aider à comprendre comment des collisions de galaxies peuvent donner naissance à des étoiles», a souligné le projet ALMA.

L'engouement pour le potentiel d'ALMA est tel qu'il a déjà reçu plus de 900 projets d'astronomes du monde entier.

Parmi eux, une centaine ont été retenus, «couvrant un large éventail, entre étoiles, galaxies, planètes, comètes et objets (célestes) divers», explique à l'AFP Richard Hills, chef de projet.

Dans le désert d'Atacama à 1.700 km de Santiago, ALMA a aujourd'hui l'aspect d'une curieuse série d'«assiettes» de 12 m de diamètre. Qui peuvent s'installer sur 150 mètres, pour une observation très précise, ou sur 15 km, pour observer très loin, explique l'ingénieur Martin Mundnich.

La sécheresse, l'altitude du désert d'Atacama, en particulier de Llano (la plaine) Chajnantor (5.000 mètres), en font un lieu sans égal, expliquent les scientifiques depuis leur base à 2.900 m seulement.

Ce désert, d'ailleurs, doit aussi abriter d'ici 2018 un autre projet très attendu par la communauté scientifique: le futur Télescope géant européen (E-ELT), un téléscope optique celui-là, d'un miroir de 42 m de diamètre, géré par l'Observatoire Européen Austral (ESO), déjà partie prenante d'ALMA.

«Llano Chajnantor est un lieu spectaculaire. Très sec, sans humidité dans l'atmopshère, qui serait un problème pour nos fréquences», souligne Mundnich.

«Parfois, on a relevé un taux d'humidité à la tête de l'antenne (du téléscope) de zéro, c'est à dire qu'entre l'antenne et l'étoile, il n'y a pas la moindre eau, rien. Quelque chose de spectaculaire, qu'on trouve nulle part ailleurs au monde», s'émerveille-t-il.

«Il existe des instruments ou téléscopes similaires dans le monde, mais ALMA sera entre 10 à 100 fois plus puissant», conclut Lars Nyman, chef d'opérations scientifiques.

ALMA fera ce que les astronomes veulent lui faire faire, pose Nyman, ouvrant des champs de découverte que les scientifiques eux-mêmes évaluent encore mal, lorsqu'«on devrait pouvoir voir la formation des premières galaxies». C'est à dire près de l'origine de l'Univers.