Le satellite Cryosat 2 destiné à mesurer précisément l'altitude des glaces continentales et l'épaisseur de la banquise doit être placé en orbite jeudi par un lanceur russe Dniepr de Baïkonour (Kazakhstan), plus de quatre ans après le lancement raté de Cryosat 1. L'étude de la fonte des glaces polaires, avérée dans l'hémisphère nord, est un enjeu majeur pour comprendre le réchauffement climatique.

Le 8 octobre 2005, la mise en orbite de ce satellite avait échoué à la suite du dysfonctionnement d'un moteur de la fusée russe Rockot, précipitant dans l'océan Arctique un joyau scientifique de 140 millions d'euros (188 millions de dollars canadiens).

Cryosat est le troisième satellite du programme «Planète vivante», après GOCE, lancé pour connaître la forme exacte de la Terre en mesurant son champ de gravité et SMOS, qui détecte l'humidité des sols et la salinité des océans.

En réfléchissant la lumière du Soleil, la masse blanche des glaces limite la quantité de chaleur absorbée par la Terre. La banquise agit également comme un isolant en réduisant très fortement les échanges thermiques entre l'océan gelé et l'atmosphère.

Enfin, la fonte des calottes polaires fait monter le niveau des mers à un rythme qui est passé de 1,8 mm/an à 3 mm/an au cours du demi-siècle passé.

«La glace couvre 15 millions de km2 sur Terre, ce qui fait 30 fois la superficie de la France. Autour du pôle nord chaque année, c'est l'équivalent de la surface de l'Europe qui gèle et qui dégèle», souligne Michel Verbauwedhe, coordinateur des programmes d'observation de la Terre à l'Agence spatiale européenne (ESA).

Les scientifiques disposent déjà de relevés ponctuels et de certaines mesures d'autres satellites comme Envisat, mais aucun n'est spécifiquement dédié à l'observation des glaces.

«La hauteur très précise des glaces continentales et l'épaisseur des glaces de mer est une dimension qui manque aux géophysiciens», souligne Eric Perez, directeur des programmes d'observation de la Terre chez Astrium, le maître d'oeuvre industriel qui a réalisé le satellite pour l'ESA.

Mesurée par l'onde réfléchie de radars altimètres conçus par Thalès Alenia Space et grâce à l'instrument de géolocalisation Doris développé par le Centre national d'études spatiales (Cnes), cette épaisseur sera mesurée avec une précision de 2 à 5 cm.

«Cryosat sait notamment faire la différence entre l'onde réfléchie sur l'eau et celle réfléchie sur la glace émergée», détaille M. Perez. Et grâce au principe de la poussée d'Archimède, on peut connaître l'épaisseur de l'ensemble de la banquise ou des icebergs, environ dix fois plus importante que celle de leur partie émergée.

Pour garantir sa stabilité, Cryosat, qui survolera la Terre à 720 km d'altitude est un satellite de 700 kilos très compact, dont les panneaux solaires, solidaires de la structure, ne se déplient pas.

Sa durée de vie prévue est de seulement trois ans, car il lui faudra utiliser du carburant pour se maintenir son altitude.

Si tout va bien, Cryosat devrait commencer à livrer des données à la communauté scientifique dès cet été. Quelques 60 équipes de spécialistes représentant de 200 à 300 chercheurs se sont déclarées intéressées, selon M. Verbauwedhe.

«Au bout de trois ans, on verra dans quels endroits il y a eu une accumulation de glace et là où il y a eu une fonte», assure le responsable de l'ESA.

Après Cryosat, le relais sera pris par la paire de satellites Sentinel 3 jusqu'en 2020.