Le programme spatial américain est lancé sur une trajectoire «qui n'est pas durable». Et il perpétue une vieille tradition de la NASA: «poursuivre des objectifs qui ne correspondent pas à ses moyens». Est-ce là le jugement d'un journaliste trop critique? Non, celui de la commission qui vient de déposer son rapport d'enquête à la Maison-Blanche.

Peu des constats qui occupent ces 157 pages ont surpris les observateurs attentifs aux progrès de la commission dirigée par Norman Augustine, depuis cet été. Mais ces constats sont à présent en noir sur blanc. Et la tâche du président Obama semble du coup beaucoup plus claire :

- la première recommandation est tout bonnement de lier les objectifs aux moyens; ça veut dire qu'il n'y aura pas de débarquement sur la Lune en 2020... à moins d'imaginer une augmentation monstre du budget de la NASA : 150 milliards $ pour les années 2010, plutôt que les 100 milliards $ actuels;

- il devrait aussi y avoir un «nouvel effort international d'importance», pour mieux «déléguer» une partie des coûts;

- la mise à mort de la navette en 2011 devrait être repoussée de quelques années, de même que celle de la station spatiale, jusqu'aux années 2020;

- la fusée Arès, actuellement en développement pour succéder à la navette après 2015, pourrait bien ne plus convenir aux objectifs et devrait être abandonnée, ou considérablement retravaillée;

- seule recommandation qui étonne : les efforts du secteur privé pour lancer ses propres fusées devraient être encouragés par la NASA et davantage mis à contribution.

Mais c'est probablement la Lune qui retiendra le plus l'attention. Si une mission «au-delà de l'orbite terrestre» est ingérable avec les budgets prévus pour 2010, un budget accru ne devrait pas nécessairement profiter à la Lune... mais à Mars.

En fait, le scénario «flexible» évoqué en conférence de presse par Norman Augustine (un ancien PDG de la multinationale de l'aérospatiale Lockheed-Martin) «contourne» la Lune. Il fait plutôt la part belle à une série d'étapes intermédiaires. D'abord, des missions en orbite lunaire et à un des points de Lagrange (point d'équilibre entre l'attraction lunaire et terrestre), suivies peut-être par une mission vers un astéroïde, le tout servant de préparatifs à une mission vers Mars. C'est une option à ses yeux «plus sensée» qu'un débarquement sur la Lune, parce qu'elle élimine le coût des engins pour se poser sur la Lune et en repartir. Et peut-être aussi parce que Mars, à très long terme, semble être un objectif plus sensé pour une base habitée.

Quelle que soit la décision de la Maison-Blanche, elle pourrait ne pas venir avant 2010. En entrevue la semaine dernière, le directeur de la NASA, Charles F. Bolden, disait qu'une rencontre avec le président était prévue en fin d'année. 

Le rapport :

http://www.nasa.gov/pdf/396093main_HSF_Cmte_FinalReport.pdf

Commentaires d'observateurs :

http://www.space.com/news/091026-isns-augustine-report.html

Sur la fusée Arès :

http://abcnews.go.com/WN/Space/ares-space-shuttle-replacement/story?id=8917261

Sur le budget accru qui ne devrait pas nécessairement profiter à la Lune :

http://www.nytimes.com/2009/10/23/science/space/23nasa.html?_r=2&em