Entre la crise financière et l'évolution des programmes gouvernementaux, le concept de «tourisme spatial», lancé en 2001, paraît dans une mauvaise passe: patience, répondent ses concepteurs, qui défendent une vision «de long terme».

Il paraît difficile à première vue de concevoir des partenaires plus différents que Space Adventures, jeune entreprise basée en Virginie aux Etats-Unis, avec son équipe vêtue de T-shirts à ses couleurs, et Roskosmos, l'agence spatiale russe, avec ses militaires un peu guindés arpentant un cosmodrome qui a conservé tout son charme soviétique.

Six «touristes» ont pourtant déjà bénéficié de leur entente et pu réaliser leur rêve de passer quelques jours en orbite à bord de la Station spatiale internationale (ISS). Le dernier en date, l'Américain Charles Simonyi, a décollé jeudi de Baïkonour dans une fusée russe Soyouz, pour ce qui est déjà son deuxième vol.

À qui le tour ? «Personne n'est confirmé», admet le PDG de Space Adventures, Eric Anderson, dans un entretien à quelques journalistes. «Mais les choses peuvent changer, la situation est imprévisible», dit-il.

Sergey Brin, co-fondateur de Google, a déposé une demande et «nous parlons à plusieurs autres personnes», indique-t-il. Des gens «qui voient à long terme», insiste-t-il.

Outre la forte hausse du prix du billet pour l'apesanteur, passé de 20 millions de dollars lors du premier vol en 2001 à 35 millions USD pour le dernier, la crise financière des derniers mois est passée par là, déstabilisant les plus belles fortunes. Space Adventures elle-même «est touchée», reconnaît le PDG.

Mais le principal écueil reste le transport: les effectifs permanents de l'ISS sont sur le point de doubler à six personnes, tandis que les États-Unis prévoient de mettre prochainement leur navettes spatiales à la retraite, ce qui rendra les places à bord des Soyouz plus difficiles à obtenir.

Space Adventures a son idée: elle espère louer un vaisseau et son pilote, ce qui permettrait à deux touristes de prendre place à bord du Soyouz. Un accord en ce sens a été signé avec Roskosmos, et pourrait entrer en vigueur «début 2012», estime M. Anderson.

Sergey Brin a d'ailleurs déposé une avance de cinq millions de dollars pour un vol privé.

Les visiteurs n'empièteraient pas sur l'espace et les travaux des six astronautes permanents et ces vols seraient «bénéfiques pour l'ISS», pour qui ils seraient synonymes de livraisons supplémentaires, assure le patron de Space Adventures.

Mieux, ces touristes, qui de fait sont souvent des entrepreneurs accomplis, auraient bien des conseils à donner aux agences spatiales sur la façon d'être moins «bureaucratique et inefficace», renchérit Richard Garriott, qui lui-même d'ex-touriste de l'espace et donc client, est devenu «astronaute en chef» de Space Adventures.

En outre, souligne M. Anderson, d'autres partenaires que les Russes sont parfaitement envisageables, attendu que les Chinois et les Indiens sont très actifs en matière spatiale.

«Ma conviction est que d'ici dix ans, il y aura cinq, six ou sept façons différentes d'aller en orbite. Il y aura de la concurrence et beaucoup de gens auront la capacité d'aller dans l'espace et nous tentons de travailler avec tous», assure-t-il.

«La privatisation de l'espace va non seulement abaisser radicalement les coûts au cours des cinq à dix ans à venir, pour tout le monde, y compris les gouvernements (...) mais conduire à une vraie redécouverte du potentiel qu'offre l'espace», souligne Richard Garriott.