Mark Wainberg, scientifique montréalais de renommée mondiale, est mort subitement en Floride mardi, a rapporté la police locale.

Le directeur du Centre de recherche sur le sida de l'Université McGill a perdu la vie en se baignant sur une plage de Bal Harbour, en après-midi. Il avait 71 ans. La cause exacte de sa mort n'était pas connue mercredi.

Le Dr Wainberg était considéré comme le père du 3TC, médicament antiviral au centre de la plupart des trithérapies qui ont sauvé des centaines milliers de vies, depuis les années 90. Il a été président de l'International AIDS Society de 1998 à 2000 et a occupé des rôles de responsabilité dans les congrès internationaux sur le sida de Durban (2000) et de Toronto (2006).

« C'est vraiment une grande perte », s'est désolé en entrevue téléphonique Réjean Thomas, patron de la clinique L'Actuel, spécialisée en santé sexuelle. « Ça va causer une grande perte dans la lutte contre le sida, malheureusement. »

Récipiendaire de l'Ordre du Canada, de l'Ordre national du Québec et de la Légion d'honneur en France, M. Wainberg avait reçu un doctorat honorifique de l'Université de Montréal en 2011 pour sa contribution à l'évolution de la recherche sur le VIH/sida.

Le service de police de Bal Harbour a confirmé à La Presse la mort de M. Wainberg.

« L'homme se trouvait dans l'eau avec des proches. Son fils a rapporté qu'il l'avait perdu de vue », a rapporté le capitaine de police Mike De La Rosa en entrevue avec La Presse. « Il est retourné dans l'eau pour chercher son père. Il l'a trouvé et a tenté de le ramener sur la plage, avec l'aide d'autres. » Des policiers ont tenté de le réanimer, mais en vain.

Des fanions rouges indiquant un danger avaient été élevés quelques heures plus tôt en raison d'un bulletin météo annonçant de forts courants et des vagues fortes.

« Je refuse de rester dans mon bureau »

Les efforts scientifiques de Mark Wainberg étaient doublés d'une action humanitaire notamment motivée par sa foi, avait-il expliqué à La Presse en 2000.

« Je refuse de rester dans mon bureau pendant que trente millions de personnes sont atteintes et meurent. Oui, je suis un activiste quand je vais parler à ONUSIDA, quand je vais plaider auprès de la Banque mondiale », avait-il expliqué. « Si je n'agissais pas, j'aurais l'impression de participer au meurtre de ces gens-là. »

« Ce n'était pas un chercheur enfermé dans son laboratoire, a confirmé le docteur Thomas, qui le décrit comme un « grand leader » de la lutte contre le VIH/sida.

« Ce n'était pas un médecin, c'était un chercheur, mais il voulait comprendre l'importance des traitements sur les malades, les effets secondaires, la résistance », a-t-il ajouté.

Mercredi, la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida (COCQ-SIDA) a justement rendu hommage mercredi à un « grand chercheur québécois ». M. Wainberg « a toujours su faire preuve d'une remarquable ouverture envers les membres de la communauté, et leur laissait d'ailleurs une place de choix » lors de congrès scientifique, a indiqué l'organisation, soulignant aussi « sa capacité à prendre position publiquement contre des politiques nuisibles au combat contre le VIH. »

La Société canadienne du cancer se disait mercredi « profondément attristée » par sa mort. « Mark a consacré sa vie à la recherche et à la sensibilisation du VIH et du sida », ajoutait le communiqué. « Il va nous manquer. »

Même à 71 ans, le chercheur demeurait actif.

« Encore la semaine dernière il donnait une entrevue au Congrès SIDA-Montréal et il disait de ne pas s'imaginer qu'il allait prendre sa retraite », a rapporté Réjean Thomas.

Dans les dernières années, il avait orienté sa recherche vers la résistance développée par des malades face aux médicaments anti-VIH.

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Mark Wainberg en cinq jalons

• 1945 : Naît à Montréal.

• 1989 : Développe le 3TC, un antiviral qui sera bientôt au centre de la plupart des trithérapies.

• 1998 : Devient président de l'International AIDS Society, organise un congrès historique en Afrique du Sud en 2000.

• 2001 : Devient officier de l'Ordre du Canada. Recevra l'Ordre national du Québec quatre ans plus tard.

• 2017 : Meurt à Bal Harbour, en Floride.