Une équipe internationale de chercheurs est parvenue à créer pour la première fois de faux souvenirs dans le cerveau de souris, apportant un éclairage sur le mécanisme neurologique de ce phénomène mystérieux chez les humains.

La mémoire déformée d'événements ou d'expériences vécus ou n'ayant tout simplement jamais existé est bien connue.

Dans de nombreux procès, des accusés ultérieurement innocentés par des tests ADN, avaient été reconnus coupables sur la foi de témoins ou de victimes certains de leur mémoire pourtant défaillante.

Ainsi, les trois quarts des 250 premiers accusés aux États-Unis blanchis par une analyse ADN avaient été victimes de témoins visuels dont la mémoire des faits était fausse, selon ces scientifiques.

«Des études sur les humains basées sur le comportement et les techniques d'imagerie par résonance magnétique n'ont pas permis de déterminer les régions de l'hippocampe et les circuits neuronaux responsables de la création de faux souvenirs», explique Susumu Tonegawa, professeur de biologie et de neuroscience au Massachusetts Institute of Technology (MIT), un des principaux auteurs de ces travaux publiés dans la revue américaine Science datée du 26 juillet.

«Ces expériences sur ces souris représentent le premier modèle animal dans lequel la formation de faux et de vrais souvenirs peut être étudiée au niveau des engrammes, les traces laissées dans le cerveau par tout événement passé», précise-t-il.

L'équipe du professeur Tonegawa a pu créer des faux souvenirs dans la mémoire de souris génétiquement modifiées en manipulant les cellules cérébrales dans lesquelles ces engrammes sont «gravés» et situées dans l'hippocampe qui joue un rôle central dans la mémoire.

Ces chercheurs ont programmé ces cellules pour qu'elles puissent répondre à des pulsions lumineuses afin de pouvoir les manipuler.

Ils ont tout d'abord placé ces souris dans une boîte «A» représentant une zone sans aucun danger.

Les rongeurs ont ensuite été mis dans un environnement totalement différent, la boîte «B», où les auteurs de l'expérience ont réactivé la mémoire de la boîte A avec des pulsions lumineuses sur les cellules de l'hippocampe de ces souris.

Ils ont en même temps provoqué un léger choc électrique sous leurs pattes créant un lien entre cette expérience désagréable et le souvenir réactivé de la boîte A.

Quand ces animaux ont été replacés dans la boîte A où rien de néfaste ne s'était réellement passé, les chercheurs ont constaté que ces animaux étaient effrayés.

«La mémoire est très dynamique»

De plus, quand ces souris ont été placées dans un autre environnement totalement nouveau, ces scientifiques ont pu réactiver à volonté les cellules de l'hippocampe associées à ce faux souvenir désagréable de la boîte A.

«Les humains sont des animaux très imaginatifs et tout comme ces souris une expérience déplaisante peut être attachée à une autre expérience antérieure à laquelle la personne pense au même moment, créant ainsi un faux souvenir», commente le professeur Tonegawa, prix Nobel médecine en 1987.

«Le rappel de ce faux souvenir active les mêmes centres de la peur dans le cerveau, ce qui ne permet pas de le distinguer de la mémoire d'une expérience bien réelle de frayeur», note Xu Liu, un chercheur du MIT et un des co-auteurs de cette recherche.

Selon lui ce mécanisme de formation de faux souvenirs serait similaire quand un psychanalyste fait ressortir par la persuasion un souvenir enfoui d'une expérience traumatisante dans l'enfance qui est souvent fictive.

«Une des idées fausses les plus répandues quant à la mémoire c'est celle d'une image qui reste gravée pour toujours dans le cerveau sans être altérée», dit-il à l'AFP.

«La mémoire est en fait très dynamique et est modifiée à chaque fois que nous nous souvenons de quelque chose», poursuit-il.

«Quelquefois nous nous en rendons compte, mais la plupart du temps nous n'en sommes pas conscients, ce qui explique pourquoi les gens sont convaincus de l'exactitude de leur souvenir», ajoute le chercheur.

«La prochaine étape dans les recherches sur la mémoire se concentrera sur les mécanismes permettant d'effacer de mauvais souvenirs», indique Xu Liu et ce toujours avec des souris «de telles expériences sur des humains étant éthiquement inconcevables».