Le gène défectueux identifié chez Angelina Jolie, à cause duquel elle a subi une ablation des seins pour prévenir un risque très élevé de cancer, est l'objet d'une bataille juridique intense aux États-Unis, où une société de biotechnologies en revendique la propriété.

Les révélations mardi dans le New York Times de l'actrice hollywoodienne ne devraient pas influencer la Cour suprême américaine, mais celle-ci doit justement se prononcer le mois prochain sur le litige qui oppose Myriad Genetics à des organisations de médecins, de patients et de défenseurs des libertés, qui refusent que des gènes puissent être brevetés.

Une cour d'appel avait autorisé en août Myriad Genetics à breveter les gènes «isolés» BRCA1 et BRCA2, que l'on retrouve dans la plupart des formes héréditaires de cancers de l'ovaire et du sein.

Myriad a déposé neuf brevets pour ces deux gènes, qu'elle a isolés dans les années 1990, ayant de ce fait le droit exclusif de conduire des recherches sur ces gènes.

Des chercheurs, médecins et femmes souffrant ou ayant souffert de ces cancers estiment que le monopole de Myriad empêche la mise au point d'autres tests médicaux et entrave la recherche fondamentale. Ils ont déposé un recours devant la plus haute juridiction du pays, qui s'en est saisi en novembre et a écouté les arguments des deux parties le mois dernier.

Les avocats des plaignants ont accueilli avec joie la démarche d'Angelina Jolie, qui a pointé dans sa tribune le coût prohibitif pour certaines femmes d'un test de dépistage de ces gènes.

«La lumière qu'elle jette sur les barrières aux tests, notamment leur coût, est l'une des questions au coeur de notre affaire», a déclaré Sandra Park, avocate de l'Union américaine pour la défense des libertés (ACLU).

Angelina Jolie, dont la mère est morte d'un cancer ovarien, a expliqué que le test coûte 3000 dollars, un prix constituant à ses yeux un «obstacle pour de nombreuses femmes». Myriad, basée dans l'Utah, est actuellement la seule à pouvoir fournir ces tests.

20% des gènes brevetés

L'actrice de 37 ans fait partie des 0,2% de femmes qui portent un de ces gènes défectueux. Pour elle, le risque de développer un cancer du sein était de 87%, et de 50% pour un cancer de l'ovaire. Pour les femmes sans ce gène, le risque de développer ces maladies est d'environ 10%.

«La question juridique centrale est: est-ce que Myriad a inventé quoi que ce soit?», explique encore Sandra Park à l'AFP. «Ils ont fait avancer la connaissance scientifique, mais on n'obtient pas un brevet juste pour avoir identifié quelque chose qui est dans la nature», plaide-t-elle.

Pour Myriad, la question est financière. La société a investi 500 millions de dollars dans le développement de ses tests (BRACAnalysis), qui selon son porte-parole Ron Rogers offrent «la plus grande qualité de test avec les résultats les plus rapides».

Selon l'entreprise, 95% des patientes américaines ont accès au test via leur assurance maladie, pour 100 dollars en moyenne. Elle fait aussi valoir que la loi sur les brevets de 1952 inclut tout ce qui est «le produit de l'ingéniosité humaine».

Les responsables de Myriad Genetics arguent aussi du fait qu'ils ne sont pas les seuls à avoir breveté des séquences d'ADN isolées.

Près de 20% des quelque 24 000 gènes humains font actuellement l'objet d'un brevet, dont certains sont liés à la maladie d'Alzheimer ou à des cancers. Ces brevets sont parfois la propriété de sociétés privées mais aussi d'universités et d'instituts de recherche soucieux de les garder dans le domaine public pour empêcher les firmes de s'en emparer.

Les brevets de Myriad doivent expirer dans deux ans, tandis que la décision de la Cour suprême est attendue fin juin.