La plupart des autochtones des Amériques descendent d'un petit nombre d'immigrants venus d'Asie il y a 15 000 ans, mais il y a eu deux autres vagues par la suite.

C'est la conclusion de la plus grande étude jamais réalisée sur la génétique des populations autochtones américaines, publiée hier dans la prestigieuse revue Nature.

Fruit du travail d'une soixantaine de chercheurs sur trois continents, dont le professeur Damian Labuda, de l'Université de Montréal, la recherche confirme des hypothèses fondées sur la linguistique et l'archéologie qui demeuraient controversées.

«Nos analyses montrent que la grande majorité des populations autochtones des Amériques - du Canada jusqu'à la pointe sud du Chili - ont pour ancêtres une population homogène de «Premiers Américains» qui ont, présume-t-on, traversé le détroit de Béring il y a plus de 15 000 ans», affirme-t-on dans l'article.

«Nous établissons aussi au moins deux autres influx de gènes asiatiques dans les Amériques, ce qui nous permet de rejeter l'idée que tous les autochtones des Amériques descendent de la même vague de migration.»

Ces deux autres vagues ont laissé à la fois des traces linguistiques et génétiques.

La plus récente date de 1000 ans et les Inuits en sont les descendants.

L'autre, plus ancienne, est celle qui a donné la famille de langues Na-Dene, qui comprend les langues des peuples Chipewyan au Canada, Apache et Navajo aux États-Unis.

Le professeur Labuda a pu contribuer à cette recherche grâce à des échantillons de matériel génétique prélevés depuis les années 90 en Saskatchewan, en Ontario et au Québec.

Au total, les chercheurs ont comparé plus de 2300 profils génétiques provenant de 52 peuples amérindiens, 17 peuples sibériens et 57 autres populations sur d'autres continents.

Hypothèse confirmée

«Des analyses précédentes de ces échantillons laissaient pressentir ces conclusions, mais il manquait le pouvoir statistique pour aller plus loin», dit M. Labuda en entrevue avec La Presse.

La génétique confirme l'hypothèse faite dans les années 80 par le linguiste américain Joseph H. Greenberg.

Dans un tableau publié dans Nature hier, les familles génétiques recoupent fidèlement les familles linguistiques établies en 1987 par M. Greenberg dans son ouvrage Language in the Americas. Ses thèses ont cependant été largement rejetées par ses collègues.

Selon M. Labuda, la génétique permet aussi de répondre à deux autres questions: combien les premiers arrivants étaient-ils et comment se sont-ils répandus?

«On voit que la diversité de cette première vague était plutôt réduite, ce qui indique un petit nombre de pionniers, dit-il. Et les données sont compatibles avec un peuplement le long de la côte ouest des deux Amériques.»