Un comité d'experts a recommandé jeudi à l'Agence américaine des médicaments (FDA) la mise sur le marché du Truvada, premier traitement préventif contre le sida, malgré les craintes de certaines associations qu'il n'entraîne des comportements sexuels plus risqués.

La FDA n'est pas tenue de suivre les recommandations de ce comité, mais elle les entérine le plus souvent. Sa décision interviendra d'ici le 15 juin, a précisé un porte-parole.

Par une large majorité, les 22 experts se sont prononcés en faveur de la commercialisation du Truvada produit par le laboratoire américain Gilead Sciences.

Le vote comprenait trois sous-questions. Par 19 voix contre 3, les experts ont ainsi recommandé d'autoriser le traitement préventif pour les hommes homosexuels séronégatifs. Par 19 voix contre 2 et une abstention, pour la vente du Truvada aux couples hétérosexuels dont l'un des partenaires est séropositif. Enfin, par 12 voix contre 8 et 2 abstentions, ils se sont prononcés pour la commercialisation aux «autres individus risquant d'être infectés en raison de leurs activités sexuelles».

Ces votes sont intervenus à l'issue d'une longue journée de présentations et de délibérations.

Le Truvada, une combinaison de deux antirétroviraux, est déjà prescrit pour des personnes infectées par le VIH, le virus de l'immunodéficience humaine responsable du sida. Son coût varie de 12 000 à 14 000 dollars par an.

L'efficacité préventive du Truvada a été mise en évidence par les résultats d'un vaste essai clinique mené de juillet 2007 à décembre 2009 dans six pays, dont le Brésil, l'Afrique du Sud et les États-Unis, et financé en grande partie par les Instituts nationaux américains de la santé (NIH).

Il avait alors réduit de 44% le risque d'infection chez les hommes homosexuels qui utilisaient aussi des préservatifs.

Une autre étude clinique a montré que le Truvada a diminué le risque d'infection jusqu'à 75% chez les couples hétérosexuels dont l'un des deux partenaires était séropositif.

Une quarantaine de personnes dont des médecins et infirmières soignant des séropositifs, des représentants d'organismes privés engagés dans la lutte contre le sida et des personnes infectées par le VIH étaient venus témoigner devant le comité.

Une majorité s'est déclarée hostile à la mise sur le marché du Truvada.

«Je suis préoccupée par le danger de voir se développer une résistance au Truvada», qui est déjà utilisé pour traiter les séropositifs, a dit Roxanne Cox-Iyamu, un médecin qui soigne des personnes infectées par le VIH.

Karen Haughey, une infirmière, a fait valoir que ce traitement préventif «ne marchera pas, car ce n'est pas dans la nature humaine de faire 100% ce qui est recommandé». Elle faisait référence au fait que le Truvada, qui se présente sous forme de comprimé, doit être pris quotidiennement pour être efficace.

«Nous avons besoin d'un tel traitement, car aux États-Unis nous avons encore 50 000 nouveaux cas d'infection chaque année, surtout parmi les hommes homosexuels et nous n'avons pas eu beaucoup de succès ces dernières années pour réduire ce nombre», avait souligné, avant le vote, le Dr Anthony Fauci, directeur de l'Institut national américain des allergies et des maladies infectieuses (NIAID).

«De ce fait, tout médicament préventif est important», ajoutait-il dans un entretien avec l'AFP, insistant sur le fait que le Truvada «ne devrait pas être utilisé pour se substituer aux autres méthodes de prévention» existantes, dont le préservatif.

Selon une étude américaine publiée en avril, prescrire des antirétroviraux à titre préventif à des hommes homosexuels risquant fortement de contracter le virus du sida - plus de cinq partenaires par an - serait économiquement rentable en réduisant la propagation de l'infection.