Où et quand dans le monde frappera la prochaine épidémie de dengue? La réponse à cette question cruciale tombera peut-être du ciel, ou plus précisément des satellites qui vont tenter d'établir une «carte météo» des moustiques transmettant à l'homme ce redoutable virus.

Le CNES, l'agence spatiale française, et Sanofi Pasteur, la branche vaccins du géant pharmaceutique Sanofi-Aventis qui développe un vaccin contre cette maladie en pleine expansion, ont annoncé lundi à Paris s'allier dans un projet pilote de «télé-épidémiologie» destiné à cartographier les zones menacées par la dengue.

«L'utilisation d'images spatiales pour mieux comprendre les facteurs de risque de la dengue pourrait permettre d'anticiper les épidémies et donc de mieux s'y préparer», résume Olivier Charmeil, PDG de Sanofi Pasteur.

Même si la résolution des satellites ne cesse de s'affiner, ils sont encore incapables de détecter depuis l'espace des nuages de moustiques Aedes aegypti ou Aedes albopictus, vecteur du virus responsable de la dengue.

En revanche, en couplant avec des images satellitaires des monceaux de données climatologiques, environnementales et sanitaires récoltées sur le terrain ces dernières années, les scientifiques pensent pouvoir analyser les mécanismes à l'oeuvre dans les épidémies de dengue, explique Murielle Lafaye, responsable du programme dengue au CNES.

Déjà en 2003, Mme Lafaye et son équipe ont réussi à cartographier dans le nord du Sénégal les zones où le bétail était particulièrement exposé à la fièvre de la vallée du Rift (FVR) et à prévoir la propagation des moustiques vecteurs quelques jours à l'avance, notamment en fonction de la pluviosité.

Pour la dengue aussi, «notre but est d'obtenir une carte dynamique du risque, pouvoir dire +où et quand+ en prenant en compte différents aspects climatiques à différentes échelles géographiques», poursuit-elle.

Dans l'attente d'un vaccin, que Sanofi Pasteur estime pouvoir commencer à produire dès 2014 et sur lequel ses concurrents travaillent également, le seul moyen de lutter contre la dengue consiste à lutter contre les moustiques, notamment en dépistant l'eau stagnante où ses larves se développent.

Contrairement aux anophèles vecteurs du paludisme, les moustiques Aedes piquent le jour et les moustiquaires sont donc inefficaces, relève le Dr Jean Lang, responsable du développement du vaccin pour la firme française.

Même après la commercialisation du vaccin contre la dengue, des cartes prévoyant les risques d'épidémie resteraient un atout précieux, ajoute-t-il.

Cette «météo du moustique» permettrait en effet de cibler les campagnes de vaccination vers les populations les plus exposées, indique le Dr Lang.

Une vaccination à grande échelle serait bien sûr plus simple, mais elle nécessiterait de nombreuses années pour être menée à terme.

Sanofi Pasteur compte pouvoir produire 100 millions de doses de vaccins par an dans son usine en construction à Neuville-sur-Saône (centre. Or le vaccin nécessite l'injection de trois doses étalées sur douze mois. Et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que plus de 2,5 milliards de personnes, soit plus de 40% de la population mondiale, sont actuellement exposées au risque de la dengue.

La maladie, provoquée par quatre formes distinctes de virus, touche chaque année 50 à 100 millions de personnes dans le monde, principalement dans les zones tropicales et sub-tropicales mais aussi en Europe, où les premiers cas ont été détectés en 2010 (sud-est de la France, Croatie).

500 000 malades, surtout des enfants, développent la forme hémorragique qui tue dans au moins 2,5% des cas.