Il est déjà difficile de décoder le génome de l'homme du Néandertal. Mais décoder son cerveau? Les participants au congrès annuel de la Société de neurosciences auraient eu des raisons de croire que le conférencier, Svante Pääbo, s'était trompé de salle.

Pääbo est celui qui est devenu mondialement célèbre ces dernières années en décodant petit à petit le génome de notre cousin néandertalien, disparu depuis près de 30 000 ans. Et s'il est devenu célèbre, c'est parce que ce faisant, il a accompli un exploit qui, il y a seulement une décennie et demie, était considéré impossible. On ne s'étonne donc pas que sa conférence devant les neurologues, à Washington, ait été l'événement le plus couru de leur congrès annuel. Mais on peut se demander quel était le lien avec la neurologie.

Et pourtant, il y en a un: en recherchant les gènes qui nous différencient du Néandertalien, on tombera inévitablement - ça ne fait que commencer - sur des gènes liés à la croissance du cerveau, à la mémoire ou à l'apprentissage. Auparavant, le seul lien - ténu - qu'avaient les neurologues pour spéculer là-dessus, c'étaient les crânes fossilisés. Aujourd'hui, c'est comme s'ils commençaient à examiner ce qui se passait - ou ne se passait pas - dans le cerveau de ces cousins qui ont quitté l'Afrique il y a 300 ou 400 000 ans, ont peuplé l'Europe avant nous, et se sont si mystérieusement éteints.

Ainsi, les derniers chiffres disponibles révèlent qu'il n'y a que 78 mutations propres à l'Homo sapiens qui ont changé la structure de l'une ou l'autre de nos protéines. On ignore à quoi ont servi la plupart de ces mutations. Mais puisqu'il était devant des neurologues, Pääbo a rappelé le cas du gène FoxP2, surnommé le gène du langage.

Il y a de cela 10 ans, rappelle ici le journaliste Carl Zimmer, les psychologues ont découvert que des mutations de ce gène étaient associées, chez nous, à des difficultés de langage. Pääbo et ses collègues ont découvert que ce gène était l'un de ceux qui ont changé très vite: la plupart des mammifères en ont une doublure identique, tandis que notre génome a deux acides aminés différents. Les Néandertaliens aussi.

On n'en sait pas plus pour l'instant, mais des équipes de neurologues, de linguistes et de généticiens sont sur le cas FoxP2 : on essaie même de comparer avec des souris qui, semble-t-il, apprennent plus vite lorsqu'elles reçoivent cette mutation.

Ce gène apportera-t-il la preuve que les Néandertaliens avaient un langage? C'est une possibilité, mais qui contient aussi un mystère: si les Néandertaliens pouvaient parler, pourquoi ne retrouve-t-on pas de traces d'art chez eux?