Près de la moitié des habitants actuels du Saguenay et du lac Saint-Jean descendent d'une population restreinte de seulement 20 000 colons de première heure. Ces résultats québécois, publiés cet après-midi dans la prestigieuse revue Science, laissent entrevoir que fécondité et curiosité pourraient bien aller de pair.

«C'est la première fois qu'on observe ce phénomène chez des organismes autre que des microbes», explique Laurent Excoffier, de l'Université de Berne, qui a travaillé avec des collègues québécois sur des archives catholiques remontant à la Nouvelle-France. «Les femmes des fronts de colonisation ont une fécondité 20% supérieure aux autres femmes et leurs enfants ont eux-même une fécondité plus élevée.»

Les chercheurs ont examiné 660 000 actes de mariage, de baptême et de décès enregistrés au Saguenay entre 1840 et 1960. Un «front de colonisation» était la période où un nouveau territoire était défriché. Tous ces fronts ont eu lieu entre 1840 et 1930.

«Nous pensons que les femmes de ces fronts ont eu plus d'enfants parce qu'elles avaient moins de concurrence pour accéder aux ressources, notamment aux terres nécessaires pour subvenir aux besoins d'une grande famille», explique Damian Labuda, biochimiste à l'Université de Montréal, en conférence de presse à la faculté de médecine de l'institution. «Leurs filles avaient aussi une plus grande fécondité, peut-être parce qu'il était aussi plus facile de trouver une terre où s'installer après le mariage.»

Depuis Berne par vidéoconférence, M. Excoffier a avancé que des traits génétiques pourraient aussi être en cause dans cette transmission de la fécondité accrue. Les mêmes gènes pourraient être responsables de la grande fécondité et de la curiosité poussant les premiers colons à défricher de nouveaux territoires.

Les femmes des premières vagues de colonisation du Saguenay-Lac-Saint-Jean se mariaient à 20 ans, un an plus tôt que les autres femmes, et avaient 9,1 enfants en moyenne, 1,2 de plus que les autres. De ces enfants, 4,9 en moyenne se mariaient, contre 4,1 pour les autres femmes.