La langue japonaise, dont l'origine fait toujours l'objet de débats enflammés entre spécialistes, n'est pas née sur l'archipel, mais est issue de la migration d'agriculteurs venant de la péninsule coréenne, affirme une étude fondée sur la génétique.



Certains universitaires assurent que le peuplement de l'archipel japonais s'est essentiellement fait voici 12 000 à 30 000 ans et que les Japonais modernes et leur langue descendent en droite ligne de cette culture de chasseurs-cueilleurs du paléolithique. Une conception partagée par une grande partie de la population japonaise.

Selon cette théorie, l'arrivée d'autres peuples en provenance d'Asie continentale aux alentours de l'an 200 avant J-C. aurait certes apporté avec elle la métallurgie, le riz et de nouvelles techniques agricoles, mais n'aurait eu qu'un impact limité sur le développement linguistique des Japonais.

D'autres chercheurs réfutent cette thèse, estimant que ces migrations en provenance de l'actuelle Corée auraient eu une influence bien plus profonde, à la fois sur les habitants de l'archipel et sur les dialectes qu'ils employaient. Des découvertes archéologiques récentes et les progrès de l'analyse ADN plaident en faveur de ces derniers.

Pour départager ces linguistes, des chercheurs de l'Université de Tokyo ont eu l'idée de remonter dans le temps à l'aide de la génétique pour chercher le plus jeune ancêtre commun à ces dialectes et voir de quand il datait.

Sean Lee et Toshikazu Hasegama ont utilisé une technique développée par les biologistes spécialistes de l'évolution des espèces: examiner les fragments d'ADN contenus dans les fossiles pour ensuite dresser un «arbre génétique» qui peut remonter des millions d'années en arrière.

Appliquées pour la première fois aux langages voici environ dix ans par Russel Gray, un chercheur de l'Université d'Auckland, ces techniques ont abouti à la «phylogénétique», discipline qui a «révolutionné» la linguistique même si elle demeure controversée, assure M. Lee dans un entretien à l'AFP.

«Les démonstrations empiriques s'accumulent et, aussi étonnant que ça puisse paraître, suggèrent que les langages ont des propriétés similaires aux gènes» et qu'ils évoluent un peu comme eux, explique-t-il.

Les deux chercheurs ont donc créé une liste de 210 mots - parties du corps, verbes de base, nombres et pronoms - et l'ont appliquée à 59 dialectes différents.

Pour leur expérience, ils ont pris soin de sélectionner des mots peu susceptibles d'être empruntés par d'autres dialectes et «résistants au changement», de la même manière que les biologistes cherchent des gènes capables de perdurer durant plusieurs milliers de générations.

Les modélisations informatiques ont montré que toutes les langues «japoniques» descendaient d'un ancêtre commun datant d'environ 2200 ans. Une date qui coïncide précisément avec la grande vague d'immigration en provenance de la péninsule coréenne.