Les médecins connaissent bien l'effet placebo, le pouvoir de guérison de la pensée positive. Une étude récente montre qu'ils vont devoir se pencher sur les conséquences du pessimisme sur des traitements ayant pourtant fait leurs preuves.



Si l'effet «nocebo» n'a pas été aussi étudié que son effet inverse, des scientifiques estiment qu'il est plus que temps de se pencher sur l'état d'esprit des patients.

«Nous savons tous que de nombreux traitements fonctionnent pour certaines personnes, mais pas pour d'autres», constate le Dr Randy Gollub, neurologue au Massachusetts General Hospital. Au lieu d'insister sur les chiffres, il plaide pour que les médecins affichent la position suivante: «J'ai toutes les raisons de penser que vous êtes l'une des personnes qui répondra» au traitement.

Les chercheurs ont déjà pu mesurer la réalité de l'effet placebo, avec une amélioration notable de l'état de santé des patients ayant été soumis à un faux traitement.

Mais à l'inverse, est-il possible qu'une disposition d'esprit pessimiste ait des conséquences négatives sur le résultat d'un traitement? Des chercheurs britanniques et allemands ont mené l'étude la plus sophistiquée à ce jour sur ce sujet. Ils ont fixé des diffuseurs de chaleur sur la jambe de 22 volontaires en bonne santé, augmentant les rayons jusqu'à ce qu'ils se plaignent d'une douleur de près de 70 sur une échelle de un à 100.

Puis, les chercheurs les ont placés sous perfusion afin de leur administrer une forte dose de rémifentanil, un analgésique dérivé de la morphine. Habituellement utilisé après une intervention chirurgicale, il agit rapidement mais sa durée d'action est très brève.

Les volontaires étaient soumis à un scanner cérébral aux différentes étapes de la procédure, lorsqu'ils souffraient et lorsqu'ils pensaient qu'on les soulageait. Lorsque les scientifiques introduisaient une sensation de brûlure, puis leur administraient le rémifentanil, ils confiaient que la douleur était moins forte. Le traitement fonctionnait, en dehors de toute attente.

Puis, les chercheurs leur ont expliqué qu'ils s'apprêtaient à administrer le traitement, alors même qu'ils n'avaient pas fermé l'intraveineuse. Leur sensation de douleur a encore diminué, ce qui signifie qu'ils s'attendaient à une amélioration et que cette attente a multiplié les bénéfices de l'analgésique.

Enfin, les chercheurs ont encore menti, en leur disant qu'ils allaient cesser le traitement et que leur douleur allait probablement augmenter. Leur niveau de souffrance a quasiment retrouvé celui enregistré avant tout traitement, leurs craintes annulant l'effet d'un médicament qui a pourtant fait ses preuves dans le traitement de la douleur. Le degré d'angoisse des volontaires a évolué sur le même type de courbe.

Les scanners ont démontré que les volontaires avaient réellement expérimenté une évolution de leur douleur, selon l'étude, récemment publiée dans la revue «Science Translational Medicine». Lorsqu'ils s'attendaient à une douleur plus forte, les parties du cerveau qui contrôlent l'humeur et l'anxiété étaient activées. En anticipant un soulagement, cela activait les mêmes zones que pour les personnes ayant reçu un placebo dans d'autres études.

C'est une étude de faible ampleur, qui ne concerne que la douleur. Mais ses résultats peuvent s'appliquer à toutes sortes de thérapies, notamment aux maladies chroniques, avec des patients conditionnés par des mois, voire des années de frustrations avec des traitements qui ne fonctionnent pas toujours. C'est en tout cas la conclusion du Dr Ulrike Bingel, du Centre hospitalier universitaire de Hambourg-Eppendorf (UKE), qui s'est associée à des chercheurs de l'Université d'Oxford pour ses recherches.

Et si les chercheurs ont encore beaucoup à apprendre sur l'effet «nocebo», il serait bon que les médecins essaient de bâtir des relations plus étroites avec leurs patients, afin de leur donner une plus grande confiance dans les traitements administrés, observe le Dr Gollub.