L'arsenic, poison utilisé en médecine depuis plus de 3000 ans, s'avère particulièrement efficace contre une forme grave de cancer du sang : restait à expliquer pourquoi, ce que viennent de faire des chercheurs français.

Ces travaux de l'équipe de Hugues de Thé (Inserm/CNRS/Université Paris Diderot), soutenus par la Ligue française contre le cancer, sont parus mardi dans la revue spécialisée américaine Cancer Cell.

L'arsenic, déjà utilisé dans la Grèce antique pour traiter la toux, la lèpre ou encore la syphilis, est maintenant utilisé pour traiter et guérir la leucémie aiguë promyélocytaire, une forme rare et particulièrement grave de leucémie, sévissant à tous les âges (environ 100 nouveaux cas par an en France).

Le développement de ce type de leucémie se caractérise par la fusion des protéines PML et RARA. La protéine de fusion PML/RARA suffit à rendre les cellules leucémiques, d'où son appellation d'oncoprotéine.

L'étonnante efficacité du trioxyde d'arsenic (As2O3) dans le traitement de cette forme de leucémie a été mise en évidence en Chine dans les années 90.

On sait, grâce notamment à de précédents travaux du professeur de Thé, que ce dérivé de l'arsenic permet de tuer les cellules souches cancéreuses en détruisant la protéine qui les fait vivre. Mais les mécanismes précis restaient mal compris.

Les chercheurs viennent d'en décortiquer le mécanisme : l'arsenic provoque un «stress oxydant» et favorise l'agglutination des protéines PML/RARA, créant de fortes liaisons entre elles. Ces liaisons favorisent ensuite la fixation d'un peptide dénommé SUMO et déclenche la destruction de la protéine anormale PML/RARA.

Parallèlement, l'arsenic lui-même se fixe directement sur cette protéine délétère, favorisant aussi sa destruction.

«L'action de l'arsenic dans ce type de leucémie représente aujourd'hui l'un des meilleurs exemples de compréhension des bases moléculaires d'un traitement anticancéreux qui guérit définitivement les patients. Il constitue un modèle de thérapeutique ciblée pour d'autres cancers», explique Hugues de Thé.