Les hommes sont de trois à quatre fois plus nombreux que les femmes chez les génies en mathématiques, selon une nouvelle étude américaine. Les femmes, quant à elles, sont 50% plus nombreuses chez les génies en compréhension de texte.

Les chercheurs de l'Université Duke, en Caroline du Nord, ont analysé les résultats de 1,2 million de tests nationaux SAT passés par des adolescents de 13 ans depuis 30 ans. Pour les tests de maths, les hommes étaient 13 fois plus nombreux que les femmes parmi le groupe le plus doué - la proportion représentant 0,01%, ou 1 sur 10 000, des meilleurs - en 1981. Cette proportion a baissé à 7 fois en 1986, à 4 fois en 1991, puis est restée stable (oscillant entre 3,55 et 4,13).

 

Cette étude controversée - l'auteur de l'étude a préféré répondre aux questions de La Presse par courriel - alimente les partisans de la «variabilité extrême des hommes». Cette théorie veut que les hommes sont plus susceptibles que les femmes d'être aux extrêmes de l'intelligence, ce qui expliquerait pourquoi ils sont plus nombreux tant parmi les décrocheurs que parmi les titulaires de doctorats en sciences pures et en mathématiques. Il est à noter que les auteurs de cette étude se sont intéressés aux résultats des élèves les plus doués sans s'attarder sur ceux des cancres.

En 2005, à l'occasion d'un discours, le président de l'Université Harvard, Lawrence Summers, avait évoqué cette théorie comme explication potentielle du faible nombre de femmes parmi les professeurs de génie, des propos qui avaient provoqué un tollé et forcé son congédiement.

»Une théorie discréditée»

«C'est une vieille théorie qui a été depuis longtemps discréditée», estime Louise Cossette, psychologue de l'UQAM qui a organisé un colloque sur le sujet le mois dernier au congrès de l'Association francophone pour le savoir. «Pour ce qui est de cette étude en particulier, 20 ans de stabilité dans les proportions hommes-femmes, ce n'est pas très long si on estime que depuis des millénaires, les hommes considèrent que les femmes sont moins intelligentes. Et de toute façon, les tests mesurent la performance, pas nécessairement les aptitudes pour une matière en particulier.»

D'autres chercheurs soulignent que la «variabilité extrême» ne se trouve pas dans tous les pays ni chez tous les groupes ethniques. «En Angleterre, dans les Philippines et à Singapour, entre autres pays, il n'y a pas plus d'hommes que de femmes parmi les meilleures notes dans les tests de maths», indique Janet Mertz, psychologue de l'Université du Wisconsin qui a publié plusieurs études sur le sujet dans les dernières années.

Jonathan Wai, psychologue de Duke qui publie l'étude dans la revue Intelligence, rétorque que les études de Mme Mertz n'ont pas porté sur la proportion représentant 0,01% de ceux qui ont eu les meilleures notes, mais seulement sur la proportion représentant 1%. «S'il y a des différences entre cultures à 1%, il y en aura aussi à 0,01%», répond Mme Mertz.

Plutôt une question d'intérêt

Au-delà des chiffres, Mme Mertz estime que l'échantillon de M. Wai ne mesure pas nécessairement les aptitudes mais plutôt l'intérêt. «Il s'agit d'un test préuniversitaire qui est donné à certains adolescents de 13 ans s'ils sont doués et s'ils désirent progresser plus vite en maths. Mon premier fils l'a fait à 13 ans, mais pas mon deuxième fils, parce qu'il ne voulait pas être catégorisé comme un nerd. Il est fort possible que les filles de 13 ans soient socialement moins enclines à faire des activités parascolaires en mathématiques, parce qu'elles ont d'autres intérêts sociaux.»

La psychologue du Wisconsin n'exclut pas que la proportion actuelle de femmes qui obtiennent un doctorat en mathématiques (29% en 2006 aux États-Unis, une proportion de deux hommes pour une femme) reflète les désirs des femmes plutôt qu'un sexisme des universités. «Mais on ne parle pas de leurs aptitudes. Et l'intérêt des jeunes filles pour les maths et les sciences peut être attisé par de bonnes politiques publiques.»