Il y a quelques années, une amie a rappelé à Chloé Legris qu'elle voulait être astronaute quand elle était adolescente. C'était même inscrit dans son album de finissants.

Si la jeune femme n'est finalement jamais allée dans l'espace, elle a travaillé «dans les étoiles» pendant cinq ans. Chloé Legris a mené de front le projet de lutte contre la pollution lumineuse pour l'AstroLab du Mont-Mégantic. Aujourd'hui, on lui doit la réalisation de la première réserve internationale de ciel étoilé en milieu urbain au monde. Radio-Canada l'a sacrée Scientifique de l'année en 2007.

«Il y avait une bonne part de naïveté dans le projet, dit aujourd'hui la femme de 34 ans, avec du recul. J'ai seulement fait mon petit bonhomme de chemin.»

Reportons-nous en 2002. La Montréalaise a un baccalauréat en génie mécanique de l'Université de Sherbrooke. Elle a travaillé brièvement en génie-conseil, mais la jeune mère de deux enfants veut trouver un travail qui touche à l'environnement et qui lui permet de concilier travail et famille. L'ingénieure se met alors à envoyer son curriculum vitae à plusieurs parcs nationaux. Un an plus tard, elle reçoit un appel du parc du Mont-Mégantic. «C'est pour un projet pour contrer la pollution lumineuse», lui explique-t-on.

Au départ, son salaire est assuré seulement pour six mois. Première étape: trouver des subventions. Ensuite, convaincre les gens que la pollution lumineuse empêche les scientifiques de l'Observatoire du Mont-Mégantic (OMM) de faire des découvertes dans le ciel étoilée.

Mais la pollution lumineuse n'est pas que visuelle, précise-t-elle. «C'est environnemental et énergétique. Les écosystèmes et les êtres humains, nous avons besoin de clarté et de noirceur. Nous avons des processus hormonaux et biologiques qui sont cyclés avec la puissance de la lumière ou non.»

Chloé Legris cite en exemple les zooplanctons des lacs et qui remontent à la surface la nuit pour se nourir d'algues. «La présence de lumière limite ce mouvement et augmente la prolifération des algues», explique-t-elle.

En 20 ans, la pollution lumineuse avait doublé dans les environs du mont Mégantic. Le but était de la réduire de 25%. Une fois les subventions obtenues (1,5 million!), Chloé Legris a dû convaincre des municipalités comme des fermiers que son projet «n'est pas un trip d'astronautes». «On allait voir les gens avec du clé en main, raconte-t-elle. On leur disait: on change ton appareil d'éclairage grâce à telle subvention.»

Plus de 725 sites ont été modifiés et plus de 3300 luminaires ont été remplacés. Aujourd'hui, la réserve s'étend sur plus de 5500 km 2, reconnue par l'International Dark-Sky Association. L'organisme a par ailleurs offert sa présidence à Chloé Legris e. Mais pour le bien de ses enfants, la mère a refusé ce poste basé en Arizona qui impliquait de voyager souvent. Maintenant, la Sherbrookoise d'adoption travaille plutôt pour le Centre de la technologie de l'énergie de CANMET-Varennes, de Ressources naturelles Canada.

Une grande fierté? «Presque tous les Québécois connaissent aujourd'hui le terme pollution lumineuse. Ce n'est pas rien.»