Quelque part, au delà de notre système solaire, il existe d'autres planètes qui tournent autour de leurs soleils. Ça, les scientifiques le savent depuis un bon moment. Mais aujourd'hui, on ne fait pas que le savoir, on peut le voir: des chercheurs québécois ont photographié les premières images d'un système planétaire qui n'est pas le nôtre.

L'équipe internationale dirigée par l'astrophysicien Christian Marois, du Conseil national de recherches Canada, a braqué ses télescopes sur une jeune étoile répondant au nom de code HR8799, située dans la constellation de Pégase. Ils cherchaient au moins une planète à photographier. Ils en ont trouvé trois.

Christian Marois se souvient avoir étudié les images des télescopes alors qu'il se trouvait dans un avion. «Je me suis retenu pour ne pas crier dans l'avion, s'esclaffe-t-il. Mais une fois dans la voiture de location, j'ai laissé éclaté ma joie!» Leurs résultats spectaculaires sont publiés dans la dernière édition du magazine Science.

Traditionnellement, pour détecter la présence d'une planète, les astrophysiciens observent à quelle vitesse les étoiles se déplacent dans la galaxie. Une variation dans la vitesse indique la présence d'une planète. «On sait donc d'une manière indirecte que quelque chose tourne autour de l'étoile», dit René Doyon, professeur à l'Université de Montréal et chercheur au Centre de recherche en astrophysique du Québec. La première exo-planète a été identifiée en 1995.

Photo: Conseil national de recherches Canada

À gauche, l'éblouissante étoile HR8799. À droite, après le traitement de l'image pour atténuer la lumière de l'étoile, apparaissent trois points rouges, les trois planètes découvertes.

Aujourd'hui, au moins une nouvelle exoplanète est découverte tous les mois. Les experts estiment qu'environ une étoile sur dix aurait un système planétaire. Mais jamais les chercheurs n'ont réussi à voir ces nouvelles planètes.

La technique traditionnelle a un autre inconvénient: elle prend du temps. Il faut attendre que la planète fasse un tour complet de l'étoile avant de formellement l'identifier. Or, plus la planète est éloignée de l'étoile, plus la période orbitale est grande. Jupiter met 12 ans avant de faire le tour du Soleil...

De plus, cette technique élimine l'étude de jeunes étoiles parce que leur instabilité peut fausser les résultats. Sauf que les étoiles jeunes, tout comme leurs planètes, sont aussi les plus brillantes, donc les plus faciles à photographier. Il fallait donc rechercher des planètes qui orbitent autour de jeunes étoiles.

Facile à dire... Chercher une planète en orbite autour d'une jeune étoile brillante, c'est comme essayer de voir une luciole à côté d'un phare éblouissant.

Mais la technique «de l'imagerie angulaire différentielle», mise aux point par les chercheurs Marois, Doyon ainsi que David Lafrenière de l'Université de Toronto, a permis de faire la différence entre la lumière émise par l'étoile et celles de ses planètes. Et clic! Trois nouvelles planètes sont apparues.

Photo: Conseil national de recherches Canada

L'étoile HR8799, au coeur de la constellation de Pégase.

Trois boules de gaz

Trois planètes géantes, donc, qui s'appellent HR8799 b, c et d. Celle qui est la plus près de l'étoile est située à 25 unités astronomiques (une UA correspond à la distance entre la Terre et le Soleil, et 25 UA est l'équivalent de la distance entre le Soleil et Neptune, la dernière planète de notre système solaire). Les deux autres sont situées à 40 UA et 70 UA. La planète la plus éloignée met 450 ans à faire le tour de l'étoile!

Ces trois planètes sont très chaudes, très massives et très brillantes, parce qu'elles émettent elles-mêmes de la lumière. Elles orbitent dans un sens anti-horaire, un signe que la formation de leur système solaire est semblable au nôtre. Elles ont probablement des lunes, comme nos planètes.

Elles ont l'âge de leur soleil, soit 60 millions d'années. Un bébé soleil, si on le compare au nôtre qui en compte déjà 4,5 milliards. L'étoile HR8799 est aussi une fois et demi plus grosse que le Soleil et cinq fois plus brillante. Elle est là, dans notre voûte étoilée, visible avec des jumelles dans la constellation de Pégase.

Vers un nouveau monde?

Les chercheurs ont trouvé trois planètes, mais il est fort possible qu'il y en ait d'autres, plus petites, plus proches de l'étoile. Seulement, les télescopes n'ont pas encore été capables de les voir.

La découverte est majeure. En voyant les planètes et leurs lunes, les astronomes pourront en évaluer la composition chimique. Y trouvera-t-on de l'eau, de l'oxygène? «Ça a toujours été de la science-fiction, mais là on vient de faire un pas important en prenant des images», dit René Doyon.

«Détecter une planète comme la Terre, c'est une quête ultime. Mais on pense pouvoir le faire peut-être aussi tôt que dans cinq ans», dit René Doyon. Restera ensuite à trouver le moyen de s'y rendre...