Il y a 100 ans, le 30 juin 1908, une gigantesque explosion a dévasté plus de 2000km2 de forêt en Sibérie, calcinant ou déracinant 80 millions d'arbres, près du fleuve Toungouska. Illuminant le ciel nocturne comme en plein jour, la lueur a été visible jusqu'à Londres.

Les scientifiques ne savent toujours pas si l'explosion a été causée par une météorite ou par un débris de comète. Mais une équipe de géologues et d'astronomes italiens pense qu'elle pourra trouver la solution l'an prochain, en examinant le fond d'un lac qui pourrait avoir été creusé par un fragment.

«Nous faisons une reconnaissance cet été et chercherons à percer le mystère du lac Tcheko l'an prochain», explique Giuseppe Longo, géologue de l'Université de Bologne, joint à Moscou, où il participe à un colloque sur le centenaire de «l'événement de la Toungouska». «Deux de mes collègues ont pris des photos du fond du lac, peut-être parviendrons-nous à en savoir plus dès cet été.»

L'enjeu est de taille: seule l'identité du coupable permettra de déterminer quand une telle catastrophe surviendra à nouveau. «On connaît à peu près la puissance de l'explosion, explique Robert Lamontagne, professeur d'astronomie à l'Université de Montréal. Si on savait de quel type d'objet il s'agit, on pourrait déterminer sa taille. On connaît bien la répartition des objets de différentes tailles dans l'espace. Alors on pourra savoir s'il faut s'attendre à un événement similaire dans 50 ans ou dans 500 ans.»

L'explosion a probablement atteint 15 mégatonnes, 1000 fois Hiroshima. Et si une déflagration semblable survenait au-dessus du mont Royal, tout le centre de l'île de Montréal serait ravagé, de même que Laval et la Rive-Sud.

À cause des remous politiques en Russie, puis de la Première Guerre mondiale et de la révolution de 1917, il a fallu attendre 1927 pour qu'une première expédition scientifique se rende sur place. Les photographies des dizaines de millions d'arbres couchés ont frappé l'opinion publique. L'imaginaire a aussi été stimulé: un film, un jeu vidéo, des épisodes de la série télévisée The X-Files et une bande dessinée - Les carnets secrets du Vatican - font référence à Toungouska.

L'équipe italienne s'intéresse au lac Tcheko depuis 1999. Il est situé en périphérie de la zone la plus touchée, mais ne figure pas sur les cartes avant l'expédition de 1927. Sa géométrie elliptique n'est pas exactement celle des impacts météoritiques, mais non plus celle des lacs de la région. Dans le numéro courant de Scientific American, les Italiens expliquent qu'ils ont détecté deux types de sédiments au fond du lac: un mètre de sédiments homogènes, une quantité normale pour une durée d'un siècle à ces latitudes, et neuf mètres de sédiments hétérogènes, qui pourraient constituer des gravats de l'explosion de 1908. Ils ont même détecté un objet d'un mètre de diamètre enfoui dans les sédiments.

Selon M. Lamontagne, plusieurs méthodes s'offrent aux géologues pour déterminer si les sédiments anormaux ont été déposés lors de l'explosion. «Ils peuvent faire une analyse chimique et voir s'il y a des éléments associés à certains types de météorites. Ils peuvent aussi voir si les morceaux ont été fortement compressés, ou alors chauffés à de très hautes températures.»