En Europe, le nombre de chômeurs fait dresser les cheveux sur la tête. La crise frappe particulièrement les jeunes, qui voient leur avenir bouché.

Désespérés, nombre d'entre eux décident de s'expatrier vers une terre plus fertile, notamment le Québec.

À Paris, par exemple, les «Journées Québec» organisées par le gouvernement québécois font fureur. Cette année, plus de 12 000 Européens tentent de s'arracher l'un des 600 postes offerts ici. L'événement a fait l'objet d'un reportage fascinant de mon collègue Maxime Bergeron jeudi.

Le Québec et le Canada sont-ils devenus l'eldorado de l'emploi des années 2010? Les jeunes Européens trouveront-ils ici les emplois de rêve normalement réservés aux plus vieux dans leur pays?

Une étude publiée mercredi par Statistique Canada dresse un portrait éclairant de la situation. La Presse a approfondi certains volets de l'analyse pour mieux comprendre le phénomène.

Premier constat: les jeunes de 15 à 24 ans sont effectivement beaucoup moins nombreux à chômer ici qu'en Europe. Pendant que le taux de chômage chez les jeunes atteint 20% au Royaume-Uni, 22,1% en France et 29,1% en Italie, il n'est que de 14,3% au Canada. Au Québec? 13,7%.

La France n'est pas la plus à plaindre. En Grèce, 44,4% des jeunes de 15 à 24 ans sont sans emploi, proportion que l'Espagne dépasse, avec 46% (1). La situation est décourageante, d'autant plus que ce chômage grimpe depuis quatre ans.

Le désespoir des jeunes trouve écho dans la chanson du regretté Québécois André Fortin Bonyeu, donne-moé une job. Ironiquement, ce succès des Colocs, composé au début des années 90, illustrait le calvaire des jeunes Québécois à la recherche d'emplois il y a 20 ans durant la récession. Le taux de chômage des 15-24 ans frisait alors les 20% au Québec.

Écart jeunes-vieux

Dans son étude, l'analyste André Bernard, de Statistique Canada, présente une autre façon de mesurer l'importance relative du chômage chez les jeunes. Non seulement recense-t-il leur taux de chômage au Canada depuis 35 ans, mais encore il le compare à celui des travailleurs de 25 à 54 ans.

En 2012, donc, le taux de chômage des jeunes au Canada (14,3%), était 2,4 fois plus élevé que celui des 25-54 ans (6,0%). Au Québec, cet écart est moins grand, avec un rapport de 2,0.

Ailleurs dans le monde, le chômage relatif des jeunes par rapport aux plus vieux est particulièrement important en Italie (rapport de 3,9) et en Grèce (2,6). En Suède, le taux de chômage des 15-24 ans surprend. À 22,9%, il s'avère 4,2 fois plus élevé que celui des 25-54 ans, selon les données de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).

Bref, la crise de l'emploi prend des allures de conflit de générations.

Fait à noter, l'écart jeunes-vieux apparaît plus important dans des sociétés où les syndicats sont plus présents, les groupes syndiqués ayant tendance à protéger les emplois de leurs membres au détriment des plus jeunes. En Allemagne, par exemple, où le taux de syndicalisation est plus faible, le taux de chômage des jeunes est de seulement 8,5%, soit 1,6 fois celui des 25-54 ans.

Par ailleurs, l'étude d'André Bernard constate qu'au Canada, cet écart relatif était sensiblement le même il y a 35 ans, avec un rapport de 2,3. Il s'est toutefois amenuisé progressivement jusqu'en 1993 en faveur des jeunes, à 1,7, puis a fait un bond en 1997, à 2,1. Il est resté stable pendant plus de 10 ans avant de remonter à 2,4 aujourd'hui.

Une surprise au Québec

Les données de Statistique Canada recèlent une surprise intéressante pour le Québec. Jusqu'en 2009, les Québécois de 15 à 24 ans avaient toujours été plus nombreux à chômer que ceux de l'ensemble du Canada. Or, il y a eu un revirement depuis, si bien que le taux de chômage des jeunes Québécois est aujourd'hui moins élevé.

Par exemple, en 1977, le taux de chômage chez les jeunes était de 17,5% au Québec comparativement à 13,8% en moyenne au Canada. L'écart défavorisant le Québec a atteint un sommet en 1982 (4,4 points de pourcentage, à 22,6% de chômage). En 1997, il était de 3,0 points (à 19,3% de chômage), pour retomber progressivement par la suite. Depuis trois ans, l'écart favorise légèrement le Québec (0,6 point de pourcentage en 2012).

En somme, le Québec et le Canada, même si la croissance économique demeure faible, peuvent être considérés comme un paradis de l'emploi pour les jeunes comparativement à plusieurs pays industrialisés. «Bonyeu, donne-leur une job», pourrait chanter Dédé.

1: Les données comparables les plus récentes pour les pays étrangers viennent de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et datent de 2011. Celles du Québec et du Canada (2012) viennent de Statistique Canada.