Notre intention de départ était de ne pas réagir aux déclarations de Monique Simard, présidente et chef de la direction de la SODEC, mais suite à ses propos insensés, notamment dans La Presse du 10 juillet dernier, nous sommes dans l'obligation de mettre certaines choses au point.

La gouvernance et les finances

Monique Simard, qui a surtout fait carrière dans le militantisme, s'aventure dans le domaine culturel à la hussarde, avec un manque d'éthique sidérant. La nomination de Monique Simard à la tête de la SODEC était le résultat de ses accointances politiques, ce qui va à l'encontre de tout modèle de gouvernance.

Monique Simard faisait partie du Conseil des gouverneurs du défunt Festival de films de Montréal créé en 2005 pour anéantir le Festival des films du monde. Ce devait être un modèle de gouvernance avec toutes sortes de comités... Ce fut un terrible fiasco qui a fait faillite au bout d'un an en ayant bénéficié du double des subventions du FFM. Monique Simard, qui a été impliquée directement ou indirectement dans des faillites, est bien mal placée pour donner des leçons de gestion et de gouvernance à qui que ce soit.

J'accuse Monique Simard de ne pas savoir de quoi elle parle quand elle utilise le mot «gouvernance» et d'utiliser ce mot comme épouvantail sans faire un minimum d'autocritique.

Pendant ce temps, l'esprit revanchard étant à l'oeuvre, le FFM a été privé de subventions non pas pendant un an mais pendant 2 ans, en 2005 et 2006, et d'une baisse par la suite des subventions annuelles de 50% par rapport aux années antérieures, voilà pourquoi le FFM a été forcé de contracter une dette. Si on fait une moyenne des subventions obtenues par le FFM au cours de 5 années de références (2000 à 2004), les coupures gouvernementales, depuis 2005, totalisent 9,6 millions $, dont 2,9M$ de la SODEC. Si la SODEC avait continué à financer le Festival selon les moyennes des années 2000 à 2004, le FFM n'aurait aucune dette. Comme le dit Michel Nadeau, directeur général de l'Institut de la gouvernance d'organisations publiques et privées, membre du CA du FFM, qui n'a pas de leçons de gouvernance à recevoir de Mme Simard, «le FFM montre un budget assez bien équilibré si on fait abstraction de la dette à long terme. Donc ne confondons pas déficit et dette réelle.»

Depuis ce qu'on a appelé «la saga des festivals», les directions successives de la SODEC ont admis les torts de l'institution. D'ailleurs Jean-Guy Chaput, ex-président, qui était impliqué pendant cette triste entreprise, disait la veille de l'ouverture du FFM 2007 : «On n'aurait jamais dû faire ça! Tout le monde en a payé le prix, y compris les cinéphiles... Ce n'était pas le summun de la transparence, l'étude qui avait été faite lors de la saga...». Malheureusement les dommages financiers n'ont pas été corrigés.

J'accuse Monique Simard de balancer des chiffres aux médias selon une formule sensationnaliste en prenant soin d'occulter les raisons de la dette du FFM dont la SODEC porte une grande part de responsabilité.

Conseil d'administration

Monique Simard fait volontairement des erreurs grossières en prétendant que «le directeur général est aussi président du CA», car Serge Losique a le titre de président du CA et Danièle Cauchard est directrice générale. On reproche souvent à certains présidents de CA de n'être pas assez impliqués, là on reproche au président du CA du FFM d'être trop impliqué. Il est vrai que c'est Serge Losique qui a hypothéqué ses biens pour sauver le Festival lors de la «saga des Festival» dont Mme Simard était une des participantes. Si Monique Simard avait le moindre sens de l'équité, elle regarderait les CA de certains festivals d'été, pourtant très grassement subventionnés et exigerait qu'ils rectifient la composition de leurs CA avant de leur accorder des aides ainsi qu'à leurs filiales...

Quant à la soi-disant «relève», il y a longtemps que ce serait réglé si le Festival avait été financé à un niveau convenable qui aurait permis un passage de relai dans les meilleures conditions.

J'accuse Monique de discrimination envers le FFM lorsqu'elle parle de la composition de son CA.

Cynisme et arrogance

Madame Simard démontre un cynisme et une arrogance sans limite quand elle prétend : «la SODEC n'est pas là pour dévoiler publiquement les problèmes d'un organisme culturel, ni pour créer ou tuer un festival. La SODEC existe pour soutenir des entreprises culturelles, dont des festivals.»

Vraiment? Alors comment expliquer ce qui suit:

Monique Simard a attendu le moment favorable pendant la vacance de pouvoir entre le déclenchement des élections provinciales et la nomination des ministres (le déclenchement des élections a eu lieu le 5 mars, les élections ont eu lieu le 7 avril et l'annonce des nominations des ministres a eu lieu le 24 avril 2014). Monique Simard avait donc un mois et demi pour multiplier les réunions et contacts avec les autres partenaires du Festival. Remarque importante: vérification faite auprès de l'ex-ministre de la Culture, Maka Kotto, celui-ci n'était pas au courant des démarches de Monique Simard, ce qui prouve bien qu'elle a profité de la vacance de pouvoir.

Le 7 avril, jour des élections, Monique Simard avait fixé une réunion avec plusieurs membres du FFM pour le 23 avril (pendant la période dont il est fait mention plus haut).  Aussi bizarre que cela puisse sembler, comme deux des membres venaient de se briser des côtes au même moment, nous avons demandé à différer cette réunion. Monique Simard était très pressée et insistait pour maintenir cette réunion à la date qu'elle avait choisie.  Les nouveaux ministres n'étaient pas encore nommés, ce qui lui laissait les coudées franches.

La réunion a eu lieu le 5 mai dans les bureaux de la SODEC. Serge Losique, Michel Nadeau et Danièle Cauchard y assistaient pour le FFM. Jean-Robert Choquet, directeur Culture et Patrimoine à la Ville de Montréal y assistait également. Il était très clair que Monique Simard n'était pas du tout en mode «résolution de problème» car elle n'a eu que des propos négatifs au sujet du Festival, ce qui n'est jamais arrivé dans le passé avec aucun des autres dirigeants de la SODEC, pas même ceux impliqués dans la «saga des festivals».

Nous avons envoyé les informations demandées à la SODEC, tout en sachant que nous avions encore du temps pour le plan de résorption de la dette puisque, chaque année la SODEC ne signe l'entente que dans la 2e quinzaine de juillet. Au lieu de cela, Mme Simard a envoyé une lettre de refus laconique le 30 mai.

Un festival de films international comme le FFM ne s'organise pas en 2 mois. Au moment de la réception de cette lettre de la SODEC, de nombreuses équipes de films avaient déjà confirmé leur venue et acheté leurs billets d'avion (par exemple : 45 personnes pour un seul film japonais accompagnés des plus grands médias...) À si courte échéance, nous sommes engagés et ce n'est pas seulement la réputation du Festival qui est en jeu, mais surtout celle de Montréal et du Québec.

J'accuse Monique Simard de tout faire pour que le Québec ait la réputation d'une république de bananes sur le plan international

En juin, le coulage d'informations diffamatoires sous couvert d'anonymat à des journalistes, dont l'un, ami de Mme Simard, n'a fait aucune vérification auprès de nous.

J'accuse Monique Simard de diffamation et d'avoir instrumentalisé les médias pour bloquer les autres commanditaires gouvernementaux. Calomniez, médisez, il en restera toujours quelque chose... On sait que même si l'information est corrigée a posteriori, il en restera toujours des traces.

Des responsables d'organismes chargés de la promotion de leurs cinématographies respectives en Europe nous informent que, pendant le Festival de Cannes, Mme Simard disait à qui voulait l'entendre qu'il «ne fallait pas aider le Festival des films du monde». Ils se sont dits choqués de voir qu'une fonctionnaire puisse manquer autant de réserve. Comment se fait-il qu'une fonctionnaire du Gouvernement du Québec, entièrement payée par les deniers publics et dont les voyages sont payés par les contribuables puisse passer son temps à l'étranger à peaufiner son entreprise de sabotage du FFM? C'est encore du jamais vu. Nous savons aussi ce qu'elle est à même de faire auprès des professionnels québécois qui sont totalement dépendants des subsides de la SODEC.

J'accuse Monique Simard d'avoir utilisé les fonds publics pour sa vendetta personnelle et son entreprise de sabotage du FFM.

Programmation

Monique Simard dit : «Partout sur la planète, les festivals évoluent. Ils se spécialisent et se renouvellent dans leur programmation». C'est exactement ce que fait le FFM en donnant une place de choix aux premières oeuvres, aussi bien les longs métrages que les films réalisés par les étudiants et d'ailleurs, le FFM offre cette année une sélection internationale de films d'écoles de cinéma qui démontre le très haut niveau de la formation dans certaines grandes écoles à travers le monde. Par définition, quand on présente un nombre important de premières oeuvres chaque année, on est dans le renouvellement constant.

D'ailleurs, la FIAPF qui reconnait le FFM comme seul Festival compétitif en Amérique du nord, les autres étant Cannes, Berlin Venise et plusieurs autres, nous écrit : «Nous confirmons que le Festival des Films du Monde respecte les modalités du règlement de la FIAPF. Le Festival des Films du Monde est un festival international historique qui contribue à la promotion et à la découverte du cinéma mondial. Sa mission est en pleine conformité avec l'esprit du programme d'accréditation de la FIAPF....»

J'accuse Monique Simard de se mêler de programmation internationale sans savoir de quoi elle parle, alors que ce n'est pas son mandat.

Viol aggravé de la Loi sur l'accès à l'information 

La SODEC viole la Loi sur l'accès à l'information en fournissant à La Presse, avec un zèle et une rapidité records, des «rapports internes» et une abondante correspondance, sans avoir envoyé au préalable ni même informé le Festival. En ce qui concerne les «rapports internes» ceux-ci sont toujours secrets et on se demande pourquoi les organismes n'en reçoivent pas systématiquement une copie. Comme la lecture démontre un niveau d'ignorance affligeant, aussi bien en mathématiques qu'en organisation de festivals internationaux, au moins les organismes pourraient suggérer des correctifs. La Presse a eu l'amabilité de  nous envoyer une copie de la correspondance que la SODEC lui a fait parvenir (ce que nous n'avons jamais reçu de la SODEC).  Il est édifiant de constater que les éléments caviardés sont ceux qui donnent une image positive du Festival.

- J'accuse la SODEC et Monique Simard, d'avoir non seulement violé la Loi sur l'accès à l'information mais en plus d'avoir aggravé le cas en l'instrumentalisant pour mieux arriver à ses fins destructrices.

Chacun sait «qu'il y a quelqu'un dans les rouages qui est mesquin, revanchard et ignorant»

Les professionnels d'ici ne sont pas dupes mais ils ont la langue liée car ils dépendent de la SODEC pour des montants bien supérieurs aux maigres subsides accordées au FFM. Certains nous ont offert d'intervenir et nous leur avons conseillé de faire preuve de discrétion s'ils veulent éviter d'être pénalisés par la SODEC. Rock Demers, producteur connu et organisateur du premier festival international de film de Montréal dans les années 60, a publié un article intitulé : «Il y a quelqu'un dans les rouages qui est mesquin, revanchard et ignorant», cela résume parfaitement la situation.

Demande d'une commission d'enquête sur le financement des festivals

Il est urgent de mettre sur pied une commission d'enquête sur les modes de financement des festivals du Québec, et pas seulement les festivals de films. Pourquoi le FFM, qui est toujours le premier évènement du Québec au niveau du rayonnement international, est-il le plus mal traité dans l'attribution des subventions? C'est une question de justice élémentaire.

Y-a-t-il une vision culturelle pour Montréal?

Maintenant que le plan de relance permettant une diminution de la dette du Festival est en marche, peut-on espérer un peu de bons sens de la part de nos gouvernants? Que quelqu'un mette ses culottes pour défendre une institution qui, avec 38 ans d'existence, a aussi bien le droit d'exister que des institutions beaucoup plus coûteuses de Montréal. Comment se fait-il que des responsables de la culture puissent accepter cette lapidation d'un évènement hautement culturel et véritablement international sans se rende compte que, à quelques semaines de l'ouverture, c'est la réputation du Québec et de Montréal qui sont mises à mal?