Le programme de prêts et bourses compenserait la hausse des droits de scolarité, entend-on souvent. Or, ce programme répond aux besoins réels de très peu d'étudiants.

L'utilisation d'un programme de prêts et bourses implique systématiquement l'endettement du bénéficiaire. Chanceux sont ceux qui peuvent s'en passer et qui paient leurs études autrement, en étant financés par leurs parents, ou en occupant un emploi bien rémunéré.

Pour les étudiants dont les parents ne peuvent contribuer financièrement, qui occupent un emploi au salaire minimum ou qui ne peuvent travailler pendant leurs études (stages non rémunérés très accaparants, horaires de formation variables, personnes à charge), l'endettement est la seule solution pour s'éduquer. Ils ont alors recours à l'Aide financière aux études (AFE), mais ce programme comporte des lacunes.

Nombreux sont les étudiants qui ne peuvent bénéficier de l'aide en raison du revenu de leurs parents, car même s'ils ne contribuent pas aux études de leurs enfants (par manque de moyens réels, par désintérêt ou parce qu'ils n'acceptent pas leur choix de formation), le gouvernement considère que ces étudiants se font payer leurs études. En 2008-2009, un étudiant sur six qui en faisait la demande n'était pas admissible à l'AFE.

Les étudiants qui ont accès à l'aide gouvernementale rencontrent aussi d'autres problèmes. Un étudiant qui bénéficie des prêts et bourses et qui interrompt ses études ou qui étudie à temps partiel doit commencer à rembourser sa dette, qu'il ait obtenu son diplôme ou non, qu'il détienne un emploi ou non.

Un étudiant qui devient parent pendant ses études, comme cela m'est arrivé, ne peut les interrompre s'il n'est pas en mesure de commencer à payer sa dette six mois après l'interruption. J'ai eu à entreprendre une session sept jours après la naissance de mon deuxième enfant, parce qu'autrement, on aurait exigé de moi que je rembourse ma dette, alors que je ne pouvais réalistement pas travailler. Cette situation a occasionné un grand stress pour moi et ma famille; aux examens finaux en décembre, je n'avais pas dormi plus de cinq heures d'affilée depuis le mois d'août.

Puisqu'il est difficile d'être inscrit à cinq cours par session tout en s'occupant de ses enfants, il m'a fallu à de nombreuses reprises m'inscrire à quatre cours. Cela donne droit à un statut d'étudiant à temps plein, mais prolonge la durée des études. Ainsi, sans avoir terminé mes études, j'ai atteint cette année le nombre maximum de mois d'admissibilité aux bourses. Dès ce printemps, toute l'«aide» qui m'est versée l'est sous forme de prêt, donc de dette. Je suis coincée entre deux situations désagréables: mettre fin à mes études sans avoir obtenu mon diplôme, dans le but de minimiser ma dette, ou faire vivre ma famille pendant une année complète sur un prêt et faire passer ma dette accumulée de 17 000$ à 29 000$.

Le programme de prêts et bourses est absolument nécessaire, et je suis heureuse d'avoir pu en bénéficier, malgré toutes ses contraintes. Mais il n'est pas une panacée, et ceux qui affirment que la hausse des droits de scolarité n'aura pas d'impact en raison de l'existence de ce programme doivent en prendre conscience.

Tous les étudiants qui peuvent s'en passer s'en réjouissent, ou du moins ils devraient le faire. Or, la hausse des frais obligera un plus grand nombre d'étudiants à se tourner vers cette aide et à plonger directement dans l'endettement, alors que la société dénonce l'endettement croissant des ménages.

Compter sur les prêts et bourses pour maintenir l'accessibilité à l'éducation en dépit d'une hausse des droits de scolarité, c'est comme compter sur une barque percée pour sauver les passagers d'un paquebot qui coule.