Depuis quelques années, l'école de ma fille participe à l'opération Sautons en coeur de la Fondation des maladies du coeur.

Je me désole chaque année qu'un organisme de bienfaisance mette ainsi à contribution, sans le moindre scrupule, des enfants d'écoles primaires pour amasser des fonds. Cette année, je me décide à prendre la plume pour dénoncer cette pratique haut et fort. Je ne m'explique pas que les écoles s'associent à cette initiative.

Prétendant une sensibilisation des jeunes à l'importance de l'activité physique - objectif louable contre lequel on ne saurait s'insurger, bien sûr - la Fondation les incite à amasser le plus de fonds possible en y allant d'un incitatif fort discutable à mon avis: la remise de cadeaux, dont le nombre et la valeur est fonction des fonds amassés. Ces récompenses sont distribuées aux enfants en classe, dans l'absence totale de discrétion et d'anonymat. Résultat: tous les enfants savent combien chacun a amassé. Les enfants qui ne remettent qu'un modeste pécule à la Fondation subissent ainsi l'humiliation de ceux ayant «moins bien performé» en plus de saliver à la vue des cadeaux distribués aux gros «bailleurs de fonds». Et que dire des enfants dont les parents souhaitent donner à d'autres causes ou refusent que leur jeune enfant s'adonne au porte-à-porte ou fasse la quête auprès de la parenté? Eux n'ont rien du tout.

Regardons les choses en face et reconnaissons que les enfants n'ont rien à faire de la Fondation. Ce qui leur importe, c'est de ne pas perdre la face devant les copains et de faire main basse sur le plus gros butin possible. On ne saurait leur reprocher leur matérialisme quand c'est exactement à leur soif de biens matériels qu'on fait appel pour les lancer dans la collecte de fonds la plus lucrative possible.

Les organismes de bienfaisance rivalisent d'imagination pour recueillir des fonds. Si la cause est bonne, tous les moyens sont bons, semble-t-il. Or, selon moi, ils dépassent parfois les bornes. Je ne comprends pas qu'aucun parent, ni professeur, ni direction d'école, ne s'insurge contre cette manipulation des enfants. Je n'ai rien contre le fait qu'une tirelire de Leucan se balance au cou de ma fille le soir de l'Halloween: c'est une bonne cause, la collecte de fonds se fait dans la discrétion la plus complète et Leucan ne fait miroiter aucune récompense et ne suscite aucune rivalité pour inciter les enfants à recueillir de l'argent. Il en va tout autrement de l'opération Sautons en coeur.