Mon oncle va bientôt mourir. Non pas parce qu'il ait atteint un âge particulièrement vénérable, et ni même à cause d'une quelconque maladie, du moins d'ordre physique.

Mon oncle est alcoolique. Chronique. Sévère. Employez le mot que vous voulez, pour décrire quelqu'un qui se terre dans sa maison pour ne finalement faire que ça, boire, boire, et boire encore, selon toute vraisemblance, jusqu'à ce que mort s'ensuive.

On vit dans un système où le principe de liberté règne en roi et maître, ce qui représente assurément la dernière chose dont on devrait se plaindre.

Or, n'y a-t-il pas cependant cette notion selon laquelle à toute liberté doit pourtant correspondre une forme ou une autre de limite, ne serait-ce que dans la mesure où, tôt ou tard, il faut toujours en venir à assumer les conséquences de ses gestes, ce qui, ultimement fait qu'il n'y ait donc pas de liberté sans responsabilité? N'importe quel citoyen ne trouverait-il pas justifié qu'on emprisonne un individu qui aurait commis un meurtre , qu'on serait en droit de considérer comme une menace pour ses concitoyens? Alors comment se fait-il donc qu'il en soit autrement lorsqu'un citoyen représente une menace pour lui-même? Le meurtre de soi-même serait-il donc plus acceptable que celui d'un autre citoyen? Et le fait qu'un tel suicide se fasse petit à petit rend-il vraiment la chose plus triviale, ou ne fait-il pas que rendre celui-ci d'autant plus inexcusable que l'on ne saurait d'aucune manière prétendre qu'on ne l'a simplement pas vu venir?

Ce qui me semble le plus ironiquement drôle, c'est quand j'entends de la bouche des responsables de centres en désintoxication, que la dépendance à l'alcool ne serait «pas une maladie mentale». Moi-même diplômé en psychologie, je sais que la toxicomanie figure clairement dans la liste officielle des maladies mentales, mieux connue sous le nom de DSM-IV.

Et là encore, ça ne prend pas la «tête à Papineau» pour voir qu'il ne s'agit là qu'une question de gros bon sens. Car après tout, le critère déterminant de toute maladie mentale ne s'avère-t-elle pas la perte de contrôle d'une personne sur son propre comportement?

Alors pourquoi interne-t-on tout individu affecté d'un désordre mental assez grave lorsqu'il représente une menace pour lui-même ou pour les autres, mais que dans le cas de l'alcoolisme sévère, on laisse tout bonnement la personne se tuer elle-même à petit feu?

Pourquoi donc ce double statut réservé à l'une ou à l'autre des formes de maladie mentale?

Serait-ce donc que notre société, si soucieuse de toujours trouver de nouvelles «libertés» à explorer, en serait venu à produire cette ultime aberration que la «liberté de laisser mourir» ?