Nous avons été nombreux à donner généreusement de l'argent, des denrées ou du temps lors des différentes guignolées des dernières semaines. C'est là l'expression d'une solidarité sociale bien sentie.

En cette période de guignolée, le premier ministre Stephen Harper ne voulait évidemment pas être en reste. Le 1er janvier, le taux d'imposition des entreprises est passé de 16,5% à 15%, ce qui paraît minime à première vue. Mais quand on sait que cette nouvelle baisse d'impôt pour les grandes sociétés leur fera économiser, ensemble, plus de 4 milliards par année, on comprend que les organisateurs des guignolées se sentent jaloux. Ou peut-être même insultés?

Car à la différence des guignolées traditionnelles, celle de M. Harper ne vise ni à soulager la pauvreté, ni à exprimer une quelconque solidarité. Cette guignolée «nouveau genre» ressemble plutôt à un cadeau pour bonifier les rendements des actionnaires et propriétaires des grandes entreprises. Et c'est là qu'on peut apprécier le grand sacrifice de M. Harper. Lui qui est prêt à se priver de 4 milliards de revenus chaque année, même si son gouvernement est aux prises avec un déficit de plusieurs milliards. C'est donc dire que pour financer cette baisse d'impôt, le Canada devra emprunter 4 milliards de plus tous les ans.

Le Canada est déjà le pays où l'impôt des entreprises (fédéral et provincial combinés) est le plus bas des pays du G7. Pourquoi faudrait-il l'abaisser encore? M. Harper peut-il nous assurer que les 4 milliards économisés chaque année par les grandes sociétés seront utilisés pour créer de l'emploi au Canada, plutôt que pour aller grossir des comptes bancaires dans les paradis fiscaux? Au nom de quelle logique devrions-nous nous endetter davantage collectivement pour permettre à des grandes entreprises de faire plus de profits? Et pourquoi sommes-nous encore obligés de faire des guignolées pour soulager la pauvreté dans un pays aussi riche que le Canada?

Il faudrait expliquer à M. Harper et à tous ceux qui pensent comme lui le véritable sens des mots partage et solidarité. Car une société qui oublie le sens de ces mots et qui se bâtit sur l'enrichissement d'une minorité au détriment de la majorité ne va nulle part... sinon dans un mur.