Il y a un an, le bruit des protestations en Tunisie et des signes de mécontentement en Égypte n'aurait pu faire croire à cette révolution des droits humains, dans une région pourtant longtemps maintenue par des mains de fer dans un déni de libertés fondamentales et de justice.

Quels renversements spectaculaires en Afrique du Nord et au Moyen Orient. Les populations de Yemen, Bahrein et Syrie continuent leur quête, au prix terrible de milliers de pertes humaines. Certes, on ne peut pas - encore -parler de révolutions institutionnelles. Mais la prise du pouvoir de la rue par la population civile - et particulièrement les femmes - pour faire valoir leurs droits, est historique.

Ce mouvement d'ailleurs réclame la jouissance de tous les droits, démontrant ainsi leur trop concrète interdépendance dans la vie de tous les jours : dire son opinion, se défendre, contre un régime, mais aussi pour un revenu décent, un avenir. Bref, vivre dignement, libre de la peur et de la misère, comme le dit la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Le monde doit s'ajuster aux nouveaux portraits remplaçant des décennies de tyrannie,  voyant se faire élire des partis islamistes. Des questions sont soulevées sur la protection des droits des femmes, des minorités religieuses et des gais et lesbiennes. Le progrès sur l'ensemble des droits humains reste à construire.

Tout autant que le bruit des manifestants, le silence feutré des gouvernements durant ce début d'année pour statuer de leur épineuse position sur leur éventuel soutien dans cette région du monde est terriblement révélateur. Une leçon pour beaucoup, dont le Canada.

Ces gouvernements ont toléré - voire bénéficié - de ces pratiques violant les droits humains et perpétrées pendant si longtemps par ces dictateurs. Bien trop souvent, ces considérations pour les droits des populations sont passées - si même elles passaient - bien après les alliances politiques, les considérations pour la sécurité ou les ententes commerciales.

Le Canada a commencé mollement en début d'année à réagir aux événements. Nous étions un des derniers gouvernements à apporter notre soutien aux protestataires égyptiens. Nous étions quasi silencieux lors des premiers jours de la rébellion en Syrie, bien que maintenant, nous soyons assez clairs. Le Canada a été plus engagé en Libye. La voix du Canada a donc des préférences en matière de protection des droits humains.

Nous le voyons avec Israël: un soutien sans conditions, refusant ainsi de critiquer le pays pour ses nombreux échecs en droits humains et son refus de rendre des comptes. Nous restons silencieux avec l'Arabie Saoudite, comme la plupart des autres nations qui n'osent critiquer le royaume du pétrole et son catastrophique bilan en droits humains. Même à Bahreïn, où pourtant un Canadien fait face à une peine de cinq ans de prison pour avoir joint les manifestations pacifiques, nous n'avons pas de nouvelles du Canada; serait-ce à cause des perspectives en pétrole et gaz qui se bâtissent entre les deux pays?

Finis les double standards, 2012 doit devenir l'année où la politique en matière d'affaires étrangères du Canada doit enfin trouver sa voie de constance. Le Canada s'affirme haut et clair dans les dossiers touchant l'Iran et le Myanmar. À l'ambivalence qui a prévalu, une position canadienne maintenant plus forte demande des comptes au Sri Lanka. Mais nous nous attendons à bien plus de considérations de cette nature vis-à-vis la Colombie, les pays à risque en Afrique, et la Chine.

Nous avons besoin d'être rassurés que les compagnies extractives canadiennes renforcent, et non affaiblissent, la protection des droits humains à l'étranger. Le Canada doit cesser le jeu des positions tièdes sur des enjeux globaux tels que les droits des peuples autochtones, les droits sexuels et reproductifs des femmes, le droit à l'eau, la peine de mort.

C'est pareil à la maison: il est temps de s'atteler à quelques enjeux cruciaux. La crise d'Attawapiskat a fait prendre conscience que ceci n'est qu'un exemple parmi d'autres. Les peuples autochtones chez nous subissent une myriade de violations de leurs droits depuis trop longtemps. Seule une volonté politique peut résoudre ces écarts inacceptables. Le gouvernement doit abandonner sa pathétique excuse qu'il n'est pas obligé de financer d'une manière égale les services de protection de l'enfance des Premières nations au même niveau que les provinces financent les autres agences de protection de l'enfance. Les fonctionnaires pourraient-ils enfin reconnaître les droits à la terre des cris du Lubicon? Enfin, pourrait-on commencer à travailler d'urgence sur un plan d'action national afin de mettre fin aux niveaux inacceptables de violences envers les femmes autochtones?

Cela ne finit pas là. Nous devons réparations aux trop nombreuses personnes dont les droits ont été violés dans le contexte du contre-terrorisme: de ceux qui subissent les certificats de sécurité, aux Canadiens qui ont été torturés dans d'autres pays avec la complicité du Canada.

En 2012, nous devons démontrer aux millions de personnes qui ont - ou ont eu - du courage au ventre et la quête vers la dignité dans le coeur qu'ils ne sont pas battus pour rien. Le potentiel pour bâtir et pour renforcer des sociétés de droits est devant nous. Même chez nous. Chérissons notre solidarité, notre droit à la dissidence, notre engagement historique pour la réalisation des droits pour tous. Montrons au Canada que c'est ce que nous voulons être, un leader en droits humains. Participez. Avec d'autres. Pour d'autres. Pour nous.