Après les emplettes de Noël et les rabais du Boxing Day où plusieurs auront obtenu un nouveau super système de cinéma maison sans fil ou un iPad 2, il semblerait qu'il n'y a plus personne désirant le strict nécessaire. C'est pourquoi, en cette période de l'année, il nous semble opportun de poser puis de tenter de répondre à une question fondamentale : si le superflu devient le nécessaire, qu'est-ce que le luxe?    

Au sens moderne, le luxe est un mode de vie caractérisé par de grandes dépenses, tout en faisant preuve d'élégance. Le concept de luxe s'applique particulièrement au caractère d'une chose coûteuse et raffinée (d'ailleurs, souvent superflue).

Au sens étymologique, le luxe est un excès dans la manière de vivre; le luxe voisine avec les concepts de splendeur, de faste et même de débauche. Le luxus, « ce qui est mis de travers » a évolué et a désigné au fil de l'histoire « ce qui est de travers » ou « ce qui pousse avec excès ». Au sens moral le mot luxe, « ce qui est de travers », a été associé au concept de luxure.

« De travers » ou « avec excès », le luxe est ainsi exceptionnel, il n'est pas censé être confondu avec l'habituel. La plante luxuriante, celle qui pousse de travers, est prisée pour son défaut. Le luxe représente donc, dans son essence, quelque chose de différent.

Le superflu, de son côté, caractérise ce qui est excessif, ce qui est de reste, ce qui déborde. Le superflu doit ainsi être entrevu comme étant « en plus du strict nécessaire », jusqu'à devenir «plus qu'il n'en faut ». C'est donc dire qu'il ne faut pas confondre luxe et superflu : l'un est différent, l'autre est de trop.

À voir le nombre de télévisions de grand format vendues durant la période des fêtes, nous sommes à nous demander : qui sont ces consommateurs qui, en période de crise économique, sont si riches et qui, souvent au détriment du nécessaire, ne désirent plus que le superflu? Pendant ce temps, dans le monde du superflu, les compagnies de crédit font des affaires en or. Pour elles, c'est une question de vie ou de mort : le superflu est leur Eldorado. Sans lui, elles ne pourraient faire d'indécents profits. Il leur faut donc promouvoir le superflu. C'est précisément ce que la publicité fait avec une efficacité redoutable : nous persuader que nous avons besoin du superflu. Peu importe si nous en avons les moyens ou pas, nous tenterons de payer le tout en 36 versements égaux, sans intérêts... Et puis, si nous ne pouvons pas payer, nous pourrons toujours bénéficier d'un taux d'intérêt « avantageux » qui, sans pouvoir être qualifié d'usuraire au sens légal du terme, s'en approche dangereusement.

Il peut être étonnant d'apprendre qu'au fil de l'histoire, les concepts de luxe, de richesse et leurs manifestations ont bien évolué. Avant-hier, le luxe, était exprimé par des toiles de maîtres ou des sculptures classiques; hier, le luxe prenait plutôt la forme de vêtements griffés, de voitures de sport ou de voyages en avion. Aujourd'hui, quelle serait la plus importante manifestation du luxe et de la richesse? La culture, la nôtre. Celle qu'il faut protéger de l'absence de culture que l'on qualifie de « culture mondialisée ».

En voulant aller un peu plus vers l'avant, il pourrait être intéressant de s'interroger afin de savoir de quoi sera fait le luxe demain? Du nécessaire? Du superflu? Sans être prospectivistes, nous croyons possible d'envisager que la chirurgie esthétique, le rêve d'une éternelle jeunesse, la sécurité personnelle, le rêve de ne pas être inquiété par personne, jamais, représenteront à eux deux le comble du luxe et de la richesse, c'est-à-dire le superflu.

Dans ce monde du superflu, un coffre fort dissimulé dans un placard, dans un appartement surveillé par une caméra reliée à une centrale de surveillance, elle-même reliée à la police dans la plus belle ville du monde. Ce sera là l'ultime superflu. On pourrait aussi dire que ce comble du luxe, ce superflu, sera essentiellement la paranoïa dans sa forme la plus pure.

C'est pourquoi il est sage de souligner que la vie n'est, en réalité, qu'une conjugaison des verbes être et avoir puis que, de toute manière, l'idéal, c'est d'avoir de quoi être.