À l'ère des technologies de l'information et de la convergence des grands groupes de communication, le scandale qui secoue actuellement la Grande-Bretagne devrait intéresser tout le monde.

À l'ère des technologies de l'information et de la convergence des grands groupes de communication, le scandale qui secoue actuellement la Grande-Bretagne devrait intéresser tout le monde.

Près de 4000 personnes victimes d'écoutes téléphoniques illégales et d'intrusion dans leur vie privée sur une longue période, la démission des numéros 1 et 2 de Scotland Yard, des paiements versés à des policiers en échange d'information, des liens pour le moins étonnants entre le premier ministre britannique et les principaux dirigeants de l'empire Murdoch, la fermeture brutale du journal à l'origine du scandale (News of the World), l'abandon du rachat de 60% de BskyB par Rupert Murdoch, tout cela est déjà beaucoup.

Mais il semble que ça ne soit encore que la pointe de l'iceberg.

Ceux qui doutaient encore que la presse puisse être plus puissante qu'un gouvernement viennent d'en avoir la preuve. Une presse libre et indépendante est sans contredit un pilier de la démocratie moderne. Mais quand un empire de presse devient si puissant que tout le monde le craint et se tait, même la police et le gouvernement, quand il devient si arrogant qu'il se pense au-dessus des lois, quand ceux et celles qui le dirigent n'ont que l'appât du gain comme objectif et ont perdu tout sens moral et éthique, cet empire, peu importe son poids mondial, ne peut que vaciller.

The Guardian Weekly rapportait en fin de semaine les propos de James Murdoch (le fils), tenus dans le cadre du Edinburgh TV Festival en 2009: «The only reliable, durable and perpetual guarantor of independance is profit.» Ça en dit long sur les valeurs de l'entreprise! Si le News of the World a pu agir de la sorte aussi longtemps, n'est-il pas légitime de se demander si les autres médias du groupe ont également eu recours à ce genre de pratiques?

La presse, qu'on désigne souvent sous le vocable de quatrième pouvoir, est essentielle à l'exercice de la démocratie. Toutefois, les médias, ceux qui y travaillent et ceux qui les dirigent ne sont ni des policiers ni des tribunaux et encore moins des justiciers pouvant jouir de l'immunité la plus totale, s'adonner à toutes les dérives et profiter de toutes les licences. Contrairement aux autres pouvoirs qui balisent nos démocraties, la presse a peu de contrepoids. Les conseils de presse existants n'ont pas de dents, les codes de déontologie sont volontaires et peu appliqués et les médias exigent souvent des autres groupes de la société des vertus qu'ils sont loin de pratiquer.

Le scandale actuel aura peut-être l'avantage de ramener le débat sur les lacunes actuelles dans l'encadrement éthique des médias. La plupart des médias sont responsables, mais l'influence dont ils disposent devrait les conduire à agir avec humilité, à s'imposer des règles de rigueur et des limites qui inspirent confiance aux citoyens, à préférer la qualité et la profondeur de l'information au sensationnalisme et à la facilité.

Il est à souhaiter que les malheurs actuels de l'empire Murdoch auront rendu service à d'autres groupes dont la responsabilité sociale et démocratique devrait être proportionnelle à la taille et à leur importance.