Le premier ministre britannique, David Cameron, s'adresse aujourd'hui au Parlement sur le scandale des écoutes électroniques. Il aura fort à faire afin de dégager sa responsabilité et d'éviter d'être entraîné dans la débâcle de l'empire de presse de Rupert Murdoch.

Le premier ministre britannique, David Cameron, s'adresse aujourd'hui au Parlement sur le scandale des écoutes électroniques. Il aura fort à faire afin de dégager sa responsabilité et d'éviter d'être entraîné dans la débâcle de l'empire de presse de Rupert Murdoch.

Ce scandale ébranle tout le pays. Deux «amis» du premier ministre, dont son ancien directeur des communications, tout droit parachuté dans son bureau par Murdoch, sont arrêtés et interrogés. Les deux plus hauts dirigeants de Scotland Yard, accusés de complicité active ou passive dans les écoutes électroniques, démissionnent. Un journaliste au coeur du scandale vient d'être retrouvé mort. Des députés survoltés auditionnent des témoins et attendent des explications du premier ministre. Il y aura d'autres rebondissements, car cette affaire ressemble, comme le décrit un député, «au lent découpage d'un concombre, une mince tranche d'information après l'autre».

Pourtant, ce que nous savons déjà est diablement embarrassant pour le petit monde incestueux de la politique et certains grands médias. En Grande-Bretagne, les relations entre les grands médias et le pouvoir sont souvent brutales et vulgaires, et la presse de caniveaux se vend bien. À l'opposé, en France, ces médias pratiquent une «presse de révérence» où trop souvent la classe politique s'en tire facilement... même si les choses sont en train de changer. Aux États-Unis, les relations sont plus courtoises. Il y a des torchons, bien entendu, mais les grands médias - à la notable exception de Fox News du groupe Murdoch -, travaillent dans les règles et, du mieux qu'ils peuvent, sans compromissions.

Malgré ces différences, le copinage entre politiciens et grands médias règne. Et dans ce registre, la Grande-Bretagne détient la palme d'or, surtout depuis que Rupert Murdoch a construit le plus grand groupe de presse au monde. Il ne se gêne pas pour intervenir directement auprès des leaders politiques afin d'obtenir des avantages financiers ou de promouvoir des choix idéologiques.

Caisse de résonnance de Margaret Thatcher dans les années 80, il fait plus tard alliance avec le travailliste Tony Blair et assure sa victoire en 1997. Blair le soutient dans ses combats contre la Commission européenne. En 2003, quelques semaines avant la guerre contre l'Irak, le magnat de la presse et Blair s'entretiennent au téléphone. Il faut chauffer l'opinion publique contre la «menace» Saddam Hussein.

David Cameron ne change rien à cela. Au contraire, alors chef de l'opposition, il s'enfonce dans le marais. Sur recommandation de la «reine des tabloïds», Rebekah Brooks, il engage un protégé de Murdoch comme directeur des communications «afin de consolider les liens entre News International et les conservateurs». Maintenant au pouvoir depuis 15 mois, il rencontre 26 fois de hauts dirigeants du groupe Murdoch. Devant le Parlement, Cameron devra bien s'expliquer sur tout cela.

Le chef du Parti travailliste, Ed Milliband réclame une enquête parlementaire et le démantèlement de l'empire Murdoch en Grande-Bretagne. Le Wall Street Journal, propriété de Murdoch, répond que c'est la «liberté de la presse» qui est menacée. Vraiment? On ne s'attendait à rien d'autre de la part d'une page éditoriale devenue le repaire de tous les tarés anti-Obama, après que celui-ci eut refusé l'aide de Rupert Murdoch pendant sa campagne présidentielle.

Le démantèlement du groupe Murdoch ne réglera rien si les vautours déjà assemblés pour se repaître des restes prennent sa place. Et c'est ici que le danger subsiste. Il est essentiel d'assainir cette mare putride qu'est devenue la relation entre le pouvoir et certains grands médias. Pour la vraie liberté de la presse.