Le débat sur le projet d'amphithéâtre à Québec suscite des réactions tellement fortes qu'il est devenu un symbole pour certains de tout ce qui ne va pas dans la culture politique québécoise actuelle. Parmi les multiples questions soulevées par ce dossier, un élément semble échapper à la discussion. Pourtant, il risque de causer des torts importants à une des institutions juridiques sur lesquelles le Québec appuie son développement depuis des décennies.

Le débat sur le projet d'amphithéâtre à Québec suscite des réactions tellement fortes qu'il est devenu un symbole pour certains de tout ce qui ne va pas dans la culture politique québécoise actuelle. Parmi les multiples questions soulevées par ce dossier, un élément semble échapper à la discussion. Pourtant, il risque de causer des torts importants à une des institutions juridiques sur lesquelles le Québec appuie son développement depuis des décennies.

D'une part, l'entente avec Quebecor prévoit que c'est une organisation sans but lucratif qui va assumer toutes les dépenses (et déficits) du futur amphithéâtre. D'autre part, c'est l'empire Quebecor qui récoltera les profits au bénéfice de ses actionnaires... tout en gérant l'OBNL en question. Qui défendra l'intérêt collectif dans l'ensemble de cette aventure? Difficile à dire.

Au moment où le gouvernement du Québec prépare une nouvelle loi sur les organisations à but non lucratif (à la suite de l'adoption de la Loi sur les sociétés par actions), il est difficile d'imaginer un contexte plus alambiqué pour les législateurs et pour les citoyens que celui auquel nous faisons face.

Par ailleurs, le gouvernement du Québec a entrepris une réforme des mécanismes d'attribution des contrats municipaux à la suite des différents scandales et allégations des dernières années. On dit vouloir s'attaquer aux entreprises privées qui se cachaient derrière des OBNL pour contourner la loi et s'entendre sans appel d'offre avec des municipalités. Paradoxalement, en acceptant l'entente de la Ville de Québec avec Quebecor, le gouvernement reconnaîtrait que l'entreprise privée peut se cacher derrière le statut d'OBNL. Il cautionnerait une action visant à pomper les fonds publics au bénéfice d'individus qui sont à la fois actionnaires majoritaires ou même propriétaires exclusifs de l'ensemble des opérations de holdings dont les centres de coûts seraient transférés à des organismes sans but lucratif et les profits privatisés.

Nous sommes loin du sens réel des organisations à but non lucratif, à savoir des associations de personnes qui choisissent librement de s'associer pour s'offrir des biens ou des services, ou pour les offrir à la collectivité sans objectif de partage des bénéfices financiers entre les membres. Voilà plutôt l'esprit de cette forme d'organisation, celui qui est à la base de milliers d'initiatives qui sont devenues essentielles et parfois même le ciment de la cohésion sociale de notre société moderne.

Les associations jouent un rôle clé dans le développement économique, social et culturel du Québec. Sans ces organisations, nos collectivités seraient privées de services qui contribuent grandement à notre qualité de vie. Sans elles, notre économie serait grandement affaiblie ; tout comme les coopératives, les OBNL sont des composantes majeures de l'économie sociale qui se déploie avec force et vigueur. On les compte par milliers sur tout le territoire québécois et dans des dizaines de secteurs de l'économie. Des milliers de citoyens et de citoyennes y participent comme salariés ou comme bénévoles au sein des conseils d'administration sans y rechercher le profit personnel, mais bien l'intérêt collectif! Ce qui les distingue, à l'évidence, de l'entreprise privée classique.

Les impacts du débat sur l'amphithéâtre de Québec n'ont pas fini de se faire sentir dans plusieurs domaines: financement du sport professionnel, transparence, droit des citoyens de contester, etc. Espérons que la réputation et l'avenir même des organisations à but non lucratif, ainsi que le sens profond de cette institution qui a tant contribué au développement du Québec, ne feront pas partie des dommages collatéraux de ce conflit.

* Les auteurs sont membres du comité ad hoc du Chantier de l'économie sociale sur la Réforme du droit des associations personnalisées au Québec.