À plus long terme, nous devons nous demander quelle forme aura le futur cadre politique et institutionnel de l'Europe.

À plus long terme, nous devons nous demander quelle forme aura le futur cadre politique et institutionnel de l'Europe.

Selon Emmanuel Kant, lorsque des pays sont interdépendants, les institutions continuent à se développer entre elles jusqu'à ce que s'établisse un équilibre stable, qu'il définit en ces termes: «une situation (...) qui peut se maintenir elle-même automatiquement».

Et Jean Monnet écrivait, il y a 35 ans, dans ses Mémoires: «Personne ne peut encore dire aujourd'hui la forme qu'aura l'Europe que nous vivrons demain, car le changement qui naîtra du changement est imprévisible».

Au regard de l'histoire, l'Europe - qui a inventé le concept et le terme de démocratie - est appelée à parachever la conception de ce qu'elle appelle déjà une «Union».

Le futur cadre politique et institutionnel des Européens ne sera pas une simple imitation des modèles existants. Personnellement, en tant que citoyen européen, je pense que, comme cela s'est produit au moment même de la naissance du concept de démocratie, les Européens ne seront pas des imitateurs, mais montreront plutôt l'exemple. L'Union sera une confédération d'États souverains d'un type entièrement nouveau. Bien évidemment, il sera nécessaire d'apporter une modification substantielle au Traité et cela aura des répercussions sur l'ensemble des responsabilités de l'Union.

Dans cette Union que nous aurons demain, ou après-demain, il y aura bien évidemment un marché unique, une monnaie unique et une banque centrale unique. Serait-ce une idée trop hardie que d'envisager, sur le plan économique, un ministère des Finances de l'Union?

Celui-ci ne gérerait pas nécessairement un important budget fédéral, mais exercerait directement des responsabilités dans au moins trois domaines : premièrement, la surveillance des politiques budgétaires et des politiques en matière de compétitivité (...); deuxièmement, toutes les responsabilités assumées généralement par les gouvernements en ce qui concerne le secteur financier intégré de l'Union, afin d'accompagner l'intégration complète des services financiers; et troisièmement, la représentation de la confédération de l'Union au sein des institutions financières internationales.

Le philosophe Edmund Husserl a conclu de manière visionnaire sa fameuse conférence de Vienne, en 1935: «La crise d'existence de l'Europe n'a que deux issues: ou bien l'Europe disparaîtra (...), sombrant dans la haine de l'esprit et dans la barbarie; ou bien l'Europe renaîtra de l'esprit de la philosophie, grâce à un héroïsme de la raison (...)».

Je pense qu'une confédération d'États souverains d'un nouveau type, disposant de nouvelles institutions permettant de gérer l'interdépendance aujourd'hui et demain, serait entièrement conforme à un tel héroïsme de la raison.