Trop longtemps, des despotes au pouvoir ou des individus terrorisant des populations se sont crus inatteignables ou simplement intouchables. La souveraineté étatique les protégeait ou le copinage avec les grands leur assurait l'impunité. En 20 ans, une demi-douzaine d'entre eux ont été capturés et jugés. Depuis le début de l'année, les choses s'accélèrent. Sale temps pour les tueurs.

Trop longtemps, des despotes au pouvoir ou des individus terrorisant des populations se sont crus inatteignables ou simplement intouchables. La souveraineté étatique les protégeait ou le copinage avec les grands leur assurait l'impunité. En 20 ans, une demi-douzaine d'entre eux ont été capturés et jugés. Depuis le début de l'année, les choses s'accélèrent. Sale temps pour les tueurs.

Depuis 1990, la justice nationale ou internationale a arrêté les ex-présidents du Chili (Augusto Pinochet), de la Serbie (Slobodan Milosevic), du Liberia (Charles Taylor)et d'Irak (Saddam Hussein), les leaders Khmers rouges et hutus, et le terroriste Carlos. Les atermoiements de la justice chilienne ont permis au général de mourir dans son lit. Milosevic n'a pas survécu à son procès, Hussein a été pendu, alors que Taylor et Carlos sont en prison. Quelques génocidaires rwandais ont été condamnés, et leurs homologues cambodgiens attendent leurs sentences. C'était peu.

Aujourd'hui, les dirigeants assassins sont dans le collimateur. En cinq mois, plusieurs d'entre eux ont été envoyés au tapis. Ben Ali de Tunisie et Hosni Moubarak d'Égypte ont été balayés en quelques jours et font face à des procédures judiciaires. La vie de ben Laden a été écourtée. Mouammar Kadhafi de Libye, Bachar el-Assad de Syrie et Ali Saleh du Yémen vivent leurs derniers jours au pouvoir. Le général bosno-serbe Ratko Mladic et son homologue rwandais en crimes, Bernard Munyagishari, viennent d'être capturés et devront faire face aux tribunaux pénaux internationaux. Au Congo démocratique et au Soudan, d'autres dirigeants font l'objet de mandats d'arrestation ou d'enquêtes pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité ou crimes de génocide. Et les victimes commencent enfin à trouver justice et à recevoir des compensations.

Ces succès politiques et juridiques contre les assassins et les terroristes n'allaient pas de soi il y a encore deux décennies. Lorsque la chasse à l'impunité a été ouverte au début des années 90, ils étaient peu nombreux les observateurs à croire qu'elle porterait fruit. Le temps finirait par apaiser la soif de justice, croyait-on, cyniquement. Et puis, tout cela coûtait très cher. Pourtant, les choses ont changé grâce à la conjonction de deux évolutions concomitantes: l'extension de la démocratie et l'activisme des tribunaux internationaux.

La chute du Mur, le discours de la Baule de François Mitterrand aux dirigeants africains, les pressions subtiles ou brutales de Clinton, Bush, Blair et bien d'autres ont eu leurs effets sur l'évolution politique d'une centaine de pays. En 20 ans, on n'avait jamais vu autant d'élections démocratiques et de transitions pacifiques. Ce bouleversement politique devait en entraîner un autre : le refus de l'impunité. Sur le plan national, de l'Argentine à l'Afrique du Sud, des commissions Vérité et Réconciliation ont fait la lumière sur les crimes des dirigeants et de leurs milices, et lancé des procédures pour obtenir réparation. Sur le plan international, le règlement des conflits par l'ONU ou d'autres organisations s'est accompagné d'une obligation de justice envers les victimes. D'obscurs juges, comme Louise Arbour, Carla Del Ponte ou Luis Moreno-Ocampo - transformés en procureurs spéciaux -, sont devenus de véritables stars grâce à une opinion publique internationale indignée par la passivité des grands et assoiffée de justice.

La main de plus en plus ferme de la justice a-t-elle un effet dissuasif sur les dictateurs et les terroristes actuels ou potentiels? À l'évidence, Kadhafi, el-Assad et Saleh ne sont pas impressionnés, même s'ils risquent leur liberté, sinon leur vie, dans les épreuves de force actuelles. Les régimes en Birmanie, au Zimbabwe et au Soudan semblent avoir compris le message. Pour les terroristes, difficile à dire tellement ils sont engagés dans une logique de mort.

Ce qui se passe aujourd'hui est fragile. Les États-Unis, l'Inde, la Chine refusent d'adhérer à la Cour pénale internationale. D'autres veulent en limiter les pouvoirs. Il faut donc être vigilant, car la realpolitik cherche toujours à s'imposer aux profits des puissants et de la stabilité, et pour le plus grand malheur des victimes.