Dans un passé pas si lointain, nous pouvions chaque année souligner avec fierté la Journée mondiale sans tabac. Le Québec figurait parmi les leaders mondiaux de la lutte contre le tabac, grâce à trois ministres de la Santé qui se sont distingués en adoptant des mesures législatives d'envergure, dont plusieurs précédents mondiaux.

Dans un passé pas si lointain, nous pouvions chaque année souligner avec fierté la Journée mondiale sans tabac. Le Québec figurait parmi les leaders mondiaux de la lutte contre le tabac, grâce à trois ministres de la Santé qui se sont distingués en adoptant des mesures législatives d'envergure, dont plusieurs précédents mondiaux.

En 1998, Jean Rochon a été le premier ministre de la Santé à complètement interdire la promotion des produits du tabac par la commandite, en plus d'interdire l'usage du tabac dans les milieux de travail. Au début des années 2000, Pauline Marois a emboité le pas en permettant le remboursement des aides thérapeutiques à la cessation, en haussant la taxe sur les produits du tabac et en augmentant substantiellement le budget de lutte contre le tabac. En 2005, Philippe Couillard a étendu l'interdiction de fumer aux restaurants, aux bars et aux cours d'école, interdit la vente du tabac dans ces mêmes lieux et fait disparaître les étalages de tabac des points de vente.

Ainsi, face à la dévastation quotidienne causée par ce produit mortel et inutile, le Québec pouvait au moins se réjouir devant ces progrès législatifs et, surtout, devant la baisse graduelle du taux de tabagisme, qui est passé de 34% en 1996 à 20% en 2006.

Or, cette année, le 31 mai, il n'y aura rien à célébrer. C'est l'industrie du tabac qui sort gagnante.

Aucune mesure d'envergure n'a été introduite depuis le renforcement de la loi en 2005. Pire, le taux de tabagisme est coincé à 20% depuis cinq ans. Ce taux correspond à plus d'un million de Québécois aux prises avec une dépendance mortelle. Si un Québécois sur cinq était atteint de tuberculose ou de poliomyélite, il s'agirait d'une catastrophe humanitaire qui ferait quotidiennement les manchettes.

Mais le tabac ne retient plus l'attention des grands médias d'information. La croyance populaire veut que «la lutte contre le tabac soit gagnée». Pourtant, le tabac demeure la première cause de maladies et de décès évitables au Québec, étant responsable d'environ un décès sur cinq, soit 10 400 par année. C'est deux fois plus de victimes que pour le suicide, les noyades, les accidents de la route, les toxicomanies, les meurtres, le SIDA et l'alcool réunis.

Un taux de tabagisme stable signifie que des milliers de nouveaux fumeurs remplacent ceux qui arrêtent ou qui meurent - plus de 100 000 jeunes ont commencé à fumer depuis l'entrée en fonction du ministre Yves Bolduc en juin 2008. Ceux qui continueront de fumer perdront en moyenne 10 ans d'espérance de vie, sans oublier les années de souffrance et d'invalidité causées par une ou plusieurs des cinquantaines de maladies liées au tabac.  

En d'autres mots, chaque jour d'inaction gouvernementale coûte des vies.

Autrefois d'avant-garde dans le combat contre la promotion du tabac, le Québec est aujourd'hui otage de lois désuètes qui permettent encore à l'industrie de séduire de nouvelles clientèles. Les fabricants parviennent à déjouer les lois à l'aide d'une panoplie de nouvelles stratégies de marketing comme le tabac à saveurs de friandises, les emballages ressemblant à des gadgets électroniques et les cigarettes ultra-minces qui attirent les jeunes filles.

Le Québec traîne même la patte face aux autres provinces canadiennes qui, sauf l'Alberta, ont toutes interdit l'usage du tabac dans les autos en présence d'enfants.

Le ministre Bolduc s'était engagé à renforcer la Loi sur le tabac à l'automne 2010, mais rien n'a été fait jusqu'à maintenant. Étant responsable du tiers des cancers et des maladies coronariennes, et causant davantage de complications et de délai de guérison chez les fumeurs en général, le tabac accapare près du tiers des ressources allouées aux séjours hospitaliers au Québec.

Ce qu'il manque au Québec, c'est de la volonté politique.