Tous les jours, depuis deux mois, ils tombent sous les balles du régime. Tous les vendredis, à la sortie des prières, la police du boucher de Damas, le président Bachar el-Assad, les fauche par dizaines comme autant de lièvres lors d'une chasse à courre. Et cela sous nos yeux impuissants, et même complices. Les opposants au régime n'ont pas l'OTAN pour les protéger contre la répression, simplement leurs cris pour couvrir le son des balles. Et ils continuent de mourir.

Tous les jours, depuis deux mois, ils tombent sous les balles du régime. Tous les vendredis, à la sortie des prières, la police du boucher de Damas, le président Bachar el-Assad, les fauche par dizaines comme autant de lièvres lors d'une chasse à courre. Et cela sous nos yeux impuissants, et même complices. Les opposants au régime n'ont pas l'OTAN pour les protéger contre la répression, simplement leurs cris pour couvrir le son des balles. Et ils continuent de mourir.

La Syrie est en pleine ébullition. Ici même, dans ces pages, au cours du printemps arabe, j'ai écrit que pas une feuille ne bougeait dans ce goulag au milieu de la tourmente. Je me suis trompé. Les Syriens, comme les autres, en avaient eux aussi assez des tortures, des assassinats, de la dictature. Ils attendaient simplement le bon moment. Puis, il y a peu, ils ont suivi leurs frères de Tunisie et d'Égypte et explosé. Ils veulent vivre. Ils veulent entrer dans le XXIe siècle après avoir passé le dernier siècle sous une chape de plomb.

Le régime el-Assad, père et fils, se maintient au pouvoir depuis plus de 40 ans. Il est, tour à tour, paria de la communauté internationale - à cause de son état de guerre avec Israël, son influence au Liban et ses relations avec l'Iran -, mais aussi un allié précieux de Washington et des occidentaux en certaines occasions: en 1991, il a rejoint la coalition contre l'Irak de Saddam Hussein et, en 2001, il a appuyé la lutte au terrorisme après les attentats du 11 septembre. Il a proposé ses services de tortionnaire pour les suspects cueillis par les polices occidentales. Maher Arar, citoyen canadien, a été enlevé aux États-Unis par la police américaine et remis aux Syriens avec comme message d'en tirer le maximum. N'ayant rien à se reprocher, il a été libéré sous les pressions canadiennes et dédommagé. On attend toujours les excuses des commanditaires de l'opération, dont Colin Powell et Condoleezza Rice.

Depuis longtemps, la Syrie résiste à toutes les épreuves grâce à la place qu'elle occupe au Proche-Orient et à la main de fer que le régime exerce sur la population. Sur le plan extérieur, elle manipule les factions au Liban, partage les intérêts et les ambitions de l'Iran dans la région et se pose en interlocuteur incontournable de la paix avec Israël avec d'autant plus d'assurance qu'une partie de son territoire - le Golan - est occupée par des soldats israéliens et qu'elle accueille à Damas certains chefs du Hamas palestinien. Rien, ou presque, ne peut donc se faire dans cette partie du Proche-Orient sans qu'elle soit consultée.

Sur le plan intérieur, l'opposition trouve difficilement une voix tant le régime impose un quadrillage policier et militaire d'une sinistre efficacité. Ici, aucun espace de liberté comme en Tunisie ou en Égypte qui a permis l'émergence du printemps arabe. Au contraire, les médias étrangers sont bannis, les touristes peu nombreux, les investissements occidentaux rares. Le régime se sent même suffisamment solide pour se permettre d'envoyer de l'aide au colonel Kadhafi.

Le martyre des Syriens va-t-il bientôt s'achever? L'historien et politologue Hamit Bozarslan n'est pas très optimiste. Dans une entrevue au journal Le Monde, il rappelle une des différences fondamentales entre la Syrie, d'une part, l'Égypte et la Tunisie, d'autre part. Dans le premier cas, le pouvoir politique, économique et policier est entièrement concentré entre les mains d'un clan, celui du président, alors que dans le deuxième cas, ce pouvoir est partagé par d'autres acteurs, dont l'armée. Ces acteurs ont été en mesure de rompre avec le dictateur.

Washington vient d'imposer des sanctions directes contre le président et sa famille. Mais le régime peut-il vraiment craindre leurs effets, lui qui n'a été qu'égratigné pour ses agissements au Liban et qui sait pertinemment que les Occidentaux ont besoin de lui au Proche-Orient? À moins que le printemps arabe ne nous surprenne encore.