Le texte d'Yves Chartrand («Le Québec a perdu le Nord»), qui s'oppose à tout développement du Nord québécois, est une représentation parfaite de cet état moderne de terreur écologiste qui se considère comme une condition essentielle à la défense de la nature menacée.

Le texte d'Yves Chartrand («Le Québec a perdu le Nord»), qui s'oppose à tout développement du Nord québécois, est une représentation parfaite de cet état moderne de terreur écologiste qui se considère comme une condition essentielle à la défense de la nature menacée.

Pour cette pensée écologiste extrémiste, qui n'a plus rien à voir avec une démarche scientifique, toute forme de développement est assimilée à une agression contre la planète. Cette idée toxique, qui se drape faussement du manteau de la science, s'est peu à peu constituée comme une position politique rigide, fondée sur des émotions qui réintroduisent d'anciennes conceptions religieuses.

Devant le Plan Nord du gouvernement québécois, qui ne présente pour l'instant aucun devis concret, M. Chartrand a «envie de crier et de pleurer tellement c'est un jour triste pour le Québec et l'humanité». Pétri de vérité, il nous interpelle «pour empêcher ce véritable massacre à la tronçonneuse annoncé».

Pour cet écologisme en rupture avec la vie et ses exigences d'adaptation, qui ont fait de l'homo sapiens ce qu'il est aujourd'hui, tous les projets de croissance économique et de développement social sont considérés comme des désordres d'ordre cosmique: «Comme si notre seule valeur commune était devenue le matérialisme triomphant, pour combler un grand vide spirituel», affirme M. Chartrand. En réalité, comment pouvons-nous faire abstraction du fait que nous serons neuf milliards d'êtres humains sur la planète en 2050? Dans cette perspective inévitable, la pensée écologiquement terrorisée ne sera d'aucune utilité pour relever les défis de l'humanité.

En nous invitant à des replis frileux, qui rappellent des politiques économiques de Duplessis, les adeptes de la décroissance osent parfois avouer qu'ils considèrent simplement qu'il y a trop d'êtres humains sur Terre. Il suffit de traduire cette véritable croyance dans un projet politique concret pour nous rendre compte que cet imaginaire écologique est dominé par une conception apocalyptique de l'avenir. Les adeptes de la décroissance ont pourtant le devoir de nous dire comment pourrait s'opérer une soustraction démographique de l'humanité. En fait, ce projet eugéniste est beaucoup plus dangereux que le réchauffement de la planète de 0,7 degré de la moyenne annuelle mondiale depuis 100 ans.  

La réalité nous démontre que ce sont les sociétés riches et technologiquement avancées qui vivent dans un environnement sain et qui réussissent à relever les défis de l'adaptation. Que ce développement économique, social et technologique soit rendu possible dans l'ensemble de l'humanité, je suis parfaitement d'accord, mais rien n'oppose le développement intelligent du Québec et du Nord québécois à cette préoccupation humaniste.  

Pour que le développement économique ait un visage humain, il n'en dépend que de nous, mais ce n'est pas avec un cerveau en état de panique que nous allons relever les défis de l'avenir de la planète. Comme le fait remarquer très justement le philosophe Michaël Foessel, «l'idée de catastrophe s'est substituée à celle de progrès». Il n'en tient qu'à nous de modifier cette idée toxique en recommençant à penser que l'avenir nous appartient.

* L'auteur a rédigé l'essai intitulé La dérive écologique, le mythe de la Terre en colère.