On est tous estomaqués par la mort des enfants de Guy Turcotte et Isabelle Gaston, la violence de leur mort et le fait qu'un médecin, formé pour sauver des vies, puisse commettre un geste si horrifiant. Sans compter que depuis quelque temps, de nombreux autres enfants ont été tués par leurs parents dans le contexte d'une rupture familiale.

On est tous estomaqués par la mort des enfants de Guy Turcotte et Isabelle Gaston, la violence de leur mort et le fait qu'un médecin, formé pour sauver des vies, puisse commettre un geste si horrifiant. Sans compter que depuis quelque temps, de nombreux autres enfants ont été tués par leurs parents dans le contexte d'une rupture familiale.

En tant qu'avocate, j'accompagne des gens - homme, femme et enfant - dans un des moments les plus difficiles de leur vie: la rupture familiale. Des histoires de rupture comme le couple Turcotte-Gaston, j'en ai entendues. Il est devenu chose commune au Québec de se séparer et de refaire sa vie. Un couple sur deux. Dans le tiers des mariages, un des deux conjoints a déjà été marié. Le quart des enfants québécois nés à la fin des années 1990 ont connu au moins une transition familiale avant la première année scolaire et 15% de ceux-ci ont vécu deux changements. La moitié des enfants vivant avec une belle-mère ont connu cette situation sept mois après la rupture de leurs parents.  

Nous avons même inventé des expressions nouvelles pour décrire nos familles: ménages biologiques intacts, ménages bio recomposés, ménages recomposés, ménages monoparentaux...

Personne ne veut retourner en arrière, comme nos grands-parents qui enduraient des mariages malheureux pendant des décennies, car le mot «divorce» était tabou. Ce n'est plus un stigmate de dire que je suis divorcé ou séparé au Québec. Mais est-ce que cela fait en sorte que la peine, la déchirure, la blessure profonde qui est provoquée par la rupture est moins importante, moins signifiante?

La rupture familiale est une des plus grandes crises qu'une personne peut vivre dans sa vie. C'est un moment totalement déstabilisant: non seulement on perd notre partenaire, avec qui on croyait cheminer toute notre vie, mais on craint la perte et la souffrance de ce qui est le plus précieux : nos enfants.

Dans une société qui change à une vitesse vertigineuse - qui aurait dit dans les années 80 que les Québécois cesseraient de se marier? - on oublie parfois que les émotions, les peines, les blessures, elles, n'évoluent pas toujours à la même vitesse et qu'une rupture familiale peut amener une personne raisonnable à devenir un monstre - cherchant à cesser la souffrance par le suicide et la destruction de ceux qui l'entoure.

Il est temps que nous réalisions que la rupture familiale ne se fait pas sans heurt. Que la blessure est profonde, douloureuse, sévère. Que la personne voit sa vie s'effondrer. Que ses rêves s'évanouissent dans un instant. Que la vie ne mérite plus d'être continuée.

Il faut cesser de croire qu'on va tourner la page, et allez hop, on voit nos enfants une semaine sur deux, on ferme notre compte conjoint, on sépare allégrement nos meubles, on déménage dans un nouvel endroit, on trouve une nouvelle blonde ou chum, et le tour est joué...

Ce n'est pas comme ça qu'une rupture familiale se vit.

Les enfants vont définitivement souffrir et être affectés par la séparation de leurs parents. Cessons de penser qu'il n'y a pas de conséquences à nos gestes. Cela ne signifie pas qu'on doit rester dans une relation malheureuse ou dysfonctionnelle, ni endurer un conjoint contrôlant ou abusif.  Mais peut-être, peut-être qu'on doit être un petit peu moins égoïste et penser à l'impact de nos choix sur les autres. Peut-être qu'il faut penser un peu avant d'échanger le partenaire si facilement dans l'éternelle recherche du bonheur chez l'autre.

Est-ce que la tromperie d'Isabelle Gaston justifie la mort de ses enfants? Jamais. Est-ce que la peine de Guy Turcotte justifie ses gestes? Jamais. Deux êtres perdus dans leur égoïsme, chacun à sa façon. Égoïsme qui trop souvent emporte les enfants avec le parent désespéré. Ici, le parent a survécu. Voilà pourquoi nous en parlons.  

Mais il ne faut pas oublier toutes ces pauvres victimes innocentes qui ont été tuées par l'être le plus cher: celui qui l'a mis au monde - et dont on ne parle plus, car le parent s'est suicidé. Ils sont beaucoup, beaucoup trop nombreux...

On parle d'une commission parlementaire. Soit. Mais entre-temps, réfléchissons. Cessons de banaliser la rupture familiale. Elle est difficile, pénible. Et parfois, meurtrière.