À la lecture du récit des événements relatifs au procès de Guy Turcotte, la mère en moi éprouve peine et sympathie pour la maman des enfants et les familles endeuillées, la conjointe en moi espère que si une soudaine détresse devait envahir son homme, il saurait crier au secours et la juriste en moi s'intéresse aux stratégies de la Couronne et de la défense.

À la lecture du récit des événements relatifs au procès de Guy Turcotte, la mère en moi éprouve peine et sympathie pour la maman des enfants et les familles endeuillées, la conjointe en moi espère que si une soudaine détresse devait envahir son homme, il saurait crier au secours et la juriste en moi s'intéresse aux stratégies de la Couronne et de la défense.

Ces jours-ci, on entend plusieurs plaintes concernant une possible hypermédiatisation de ce procès et une pluie inutile de détails scabreux. Certains se questionnent sur la pertinence de rapporter les événements avec autant de précisions et  d'étaler au grand jour la vie privée d'individus qui n'ont certainement pas recherché la célébrité et l'attention dont ils font l'objet.

Je suis au contraire d'opinion que dans l'ensemble, les journalistes remplissent leur devoir professionnel et s'acquittent d'une difficile tâche qui leur est confiée. Certains médias, de par leur mission et le public qu'ils ciblent, manqueront toujours de tact et de réserve dans la façon dont ils traitent les histoires de moeurs.  Je n'ai pas analysé toutes et chacune des couvertures offertes par les divers médias mais globalement, je dirais toutefois que le traitement médiatique de cette tragédie est sobre et professionnel.

Après avoir tué ses enfants, Guy Turcotte a exercé un droit, soit celui de plaider non coupable à l'accusation de meurtre prémédité portée contre lui. De ce premier droit en découlent un deuxième et un troisième, enchâssés dans nos chartes, soit ceux d'obtenir une défense pleine et entière ainsi qu'un procès juste et équitable. En plaidant non coupable, Guy Turcotte a forcé la tenue de ce procès et la succession de témoignages qui se déroulent depuis quelques semaines.

L'argument selon lequel on ne devrait pas rapporter la totalité des faits et des paroles est avancé sur plusieurs tribunes. Si on acceptait cette proposition, qui se ferait alors l'arbitre du bon goût et de la moralité? Qui ferait le tri entre les informations qui devraient être rapportées et celles que l'on devrait omettre? Après tout, le degré de tolérance à l'horreur varie d'un individu à l'autre de même que l'évaluation, bien personnelle, de ce qui est d'intérêt public et de ce qui ne l'est pas. Devant un tel scénario, on risquerait au passage de bâillonner les médias et de les soumettre à des règles arbitraires et subjectives.

À mon avis, le sensationnalisme journalistique réside dans la façon de couvrir la nouvelle, pas dans les faits eux-mêmes. Dans le cas présent, ce sont les événements qui dévient de l'ordinaire et dépassent l'entendement. Malgré tout l'effroi  et le dégoût qu'ils inspirent, ces faits méritent néanmoins d'être rapportés. Il existe au Québec des mécanismes de protection, notamment le huis clos et l'interdit de publication, que les tribunaux n'hésitent pas à ordonner lorsqu'ils estiment que les circonstances le justifient et que les critères juridiques sont rencontrés, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Rappelons également qu'en janvier dernier, la Cour suprême a statué que le travail des médias dans les palais de justice devait être circonscrit et encadré. En soi, cette décision confirme que les médias ne peuvent pas faire n'importe quoi, n'importe comment mais que leur travail est nécessaire dans une société démocratique où la liberté de presse constitue une valeur importante.

Maintenant, se pose la liberté et la responsabilité de chacun devant le récit de ce procès. Nous ne sommes plus à l'époque du sermon de la messe du dimanche, imposé à tous. Comme citoyens, nous disposons du choix de lire, d'écouter et de regarder tout comme nous jouissons du droit de refuser d'être exposés à la description de ces tristes événements.

En définitive, il s'agit d'une question de liberté. Liberté de presse des médias et liberté de s'informer des individus. Il nous reste maintenant à faire les choix qui nous conviennent et à les assumer.