L'élimination d'Oussama ben Laden par les services américains, dans la nuit du 1er mai, modifie le paysage stratégique. Il ne le révolutionne pas. La mort de ben Laden est un événement important, mais ne change pas fondamentalement les structures de l'ordre international.

L'élimination d'Oussama ben Laden par les services américains, dans la nuit du 1er mai, modifie le paysage stratégique. Il ne le révolutionne pas. La mort de ben Laden est un événement important, mais ne change pas fondamentalement les structures de l'ordre international.

C'est incontestablement une victoire dans la lutte contre le terrorisme. Ce n'est pas la fin du terrorisme. Celui-ci risque même par un effet de rémission de frapper de nouveau très fortement, à la fois pour venger la mort de la figure emblématique de ben Laden, et pour montrer que la mouvance Al-Qaïda peut encore frapper. Al-Qaïda était déjà affaiblie depuis quelque temps et la disparition de son leader va accentuer cet affaiblissement. Mais elle n'est pas morte. Elle sera particulièrement affaiblie dans la zone Afghanistan-Pakistan, mais reste vivace au Yémen, dans la zone Irak et au Maghreb, sans préjuger de l'avenir de la Libye.

Barack Obama sort manifestement renforcé par la disparition de ben Laden. Il a réussi là où George W. Bush avait échoué. Il a eu par ailleurs l'intelligence d'associer son prédécesseur à cette victoire, en ne tirant pas la couverture à lui. Il a élargi sa victoire politique. Accusé de faiblesse dans le domaine sécuritaire comme tous les présidents démocrates, Obama a eu la fermeté de lancer un executive order permettant l'élimination de ben Laden. Il est cependant trop tôt pour dire qu'il a d'ores et déjà gagné les élections de 2012. Nous sommes trop loin de l'échéance pour avoir des certitudes. Mais il saura rappeler ce succès lors de la campagne électorale.

Les conditions de l'élimination de ben Laden vont renforcer la théorie du complot. Il ne fallait pas s'attendre à ce que celui-ci se laisse passer les menottes aux poings ou sorte de son compound en agitant un drapeau blanc. L'assaut mené contre lui ne pouvait probablement que conduire à sa mort. Washington n'avait sans doute pas envie d'un long procès qui aurait eu une tribune mondiale pour ben Laden. L'immersion de son corps a empêché qu'il y ait un lieu où des nostalgiques puissent commémorer sa mémoire. Mais parallèlement, les partisans de la théorie du complot qui vont déclarer qu'il n'est pas mort ou que les États-Unis l'ont éliminé parce qu'ils étaient complices, vont pouvoir diffuser plus facilement leur idéologie.

La mort de ben Laden et le printemps arabe sont des coïncidences de calendrier, mais les deux vont dans le même sens. Ils réduisent l'espace politique du terrorisme. Le schéma que proposait ben Laden, la violence aveugle pour renverser des régimes, a échoué. La pression populaire et démocratique a réussi en Égypte et en Tunisie. Ailleurs, elle est réprimée, mais gagne du terrain. Et surtout les forces politiques islamistes ont la perspective d'être intégrées dans le jeu politique, notamment en Égypte et en Tunisie. Cela permet de briser l'amalgame entre terroristes et islamistes, qui souvent s'élargissait à un amalgame entre islamiste et musulmans. L'intégration des partis islamistes par les urnes est préférable et plus efficace à celle de la répression par les armes.

Les talibans sont renforcés. Il sera désormais, plus facile médiatiquement et politiquement de négocier avec eux en mettant en avant des talibans «modérés». La mort de ben Laden ne rend pas Hamid Karzaï plus crédible, mais elle permet aux Occidentaux de se retirer d'Afghanistan sans perdre la face.

Le monde se porte mieux, il ne va pas encore très bien. Il faut travailler pour éliminer non seulement les chefs terroristes, mais aussi les causes du terrorisme, conflits non réglés, injustices sociales, corruptions, etc. La tâche n'est pas terminée.