L'expression «deux solitudes» suggère une longue liste de malentendus entre francophones et anglophones. L'expression s'applique encore mieux aux Blancs et Autochtones séparés par des malentendus encore plus nombreux et plus difficiles à résoudre.

L'expression «deux solitudes» suggère une longue liste de malentendus entre francophones et anglophones. L'expression s'applique encore mieux aux Blancs et Autochtones séparés par des malentendus encore plus nombreux et plus difficiles à résoudre.

Comme d'habitude, aucun des partis politiques n'en a parlé pendant l'actuelle campagne électorale - ni au Québec où habite un Autochtone sur 10, ni dans les quatre provinces de l'Ouest où habitent six autochtones sur 10 et où 13% de la population de moins de 15 ans s'identifient comme autochtone.

Pourquoi ce silence? L'indifférence des Blancs et l'aliénation des Autochtones? Oui, cela est sans doute un facteur. Mais, parmi les Blancs, le sentiment de culpabilité et d'impuissance y compte pour beaucoup: on ne sait pas quoi faire. Quant aux chefs autochtones, ils ne s'intéressent pas beaucoup aux élections des Blancs. Grâce à une interprétation généreuse des traités, ils espèrent achever leur vision d'une certaine souveraineté-association.

Je ne prétends pas avoir la clé pour mettre fin à ces solitudes - mais peut-être que je peux contribuer, quelque peu, à un meilleur dialogue.

Il ne faut pas oublier l'importance des traités dans la discussion, mais ils occupent une place bien trop prépondérante, à mon avis. En leur accordant une telle priorité, les chefs ruraux dans l'Assemblée des Premières nations passent sous silence trop de réalités: il ne faut pas oublier qu'un tiers seulement des Autochtones habitent une réserve; la moitié d'entre eux habitent la ville. Il y a presque autant d'autochtones à Winnipeg que dans tout le Québec.

Le point de départ d'un meilleur dialogue, je suggère, est d'essayer de réduire l'écart entre le niveau scolaire parmi les Autochtones et celui des Blancs. Les écarts sont énormes dans tout le Canada - un peu plus au Québec que dans le reste du pays.

Le niveau d'éducation est, de loin, le facteur le plus déterminant pour le niveau de l'emploi, et - à scolarité égale - le taux d'emploi parmi les autochtones est égal à celui des blancs. À niveau d'éducation égal, la discrimination et d'autres facteurs ont comme effet de faire baisser les salaires des autochtones de quelque 15-20 points. Mais la discrimination est un problème mineur par rapport aux écarts de scolarité entre Autochtones et Blancs, à chaque âge et à chaque niveau.

Si, par exemple, on regarde le décrochage au secondaire, les Autochtones ont fait du progrès si on compare la cohorte des 45 ans et plus avec celle des 25 à 44 ans. Mais, on n'a fait aucun progrès parmi la cohorte des 25 à 34 ans par rapport à celle des 35 à 44 ans. Malheureusement, le décrochage au secondaire stagne. Et, parmi les jeunes adultes de 20 à 24 ans, il n'y a aucune raison d'être optimiste. Au Québec, 43% des Autochtones dans cette cohorte n'ont pas achevé leurs études secondaires, trois fois plus que le reste de la population du Québec. (Les statistiques en dehors du Québec ne sont guère meilleures: le pourcentage est de 40%.)

Il n'y a pas de solutions simples en matière d'éducation, mais il y a des choses à faire. Ottawa, les provinces, et les dirigeants autochtones - dans les réserves et dans le contexte urbain - ont un rôle à jouer.

Ottawa finance l'éducation de tout Autochtone inscrit conformément à la loi concernant les Indiens. En pratique, Ottawa transfère les fonds aux conseils dans les réserves et n'exerce aucune influence sur la gestion de leurs écoles. Les résultats laissant beaucoup à désirer, peu avant l'élection, le ministère des Affaires indiennes a nommé un comité d'experts pour proposer des réformes de fond en comble.

Je partage l'opinion de ceux qui insistent qu'on commence par former, pour les écoles situées dans les réserves, des commissions scolaires qui ressembleraient à celles existant déjà dans tout système provincial.

Étant donné que 40% des enfants habitant une réserve assistent à une école provinciale et que 70% des Autochtones habitent en dehors des réserves, les provinces ont une grande responsabilité dans l'éducation autochtone.

Les ministères d'Éducation provinciaux peuvent encourager les districts à expérimenter. Chez nous, en Colombie-Britannique, chaque district est chargé de collaborer avec des représentants autochtones de sa région et d'arriver à un accord qui précise les objectifs à atteindre dans les prochaines années. Quelques districts ont réalisé des résultats impressionnants: les écarts entre la performance de leurs étudiants autochtones et celle des Blancs étant négligeable. Dans d'autres districts, les résultats sont peu reluisants.

Ces réformes présument que les administrateurs ont accès à des données détaillées quant à la performance de leurs étudiants autochtones. À part la Colombie-Britannique et l'Alberta, aucune province n'a de données suffisamment précises sur le progrès - ou manque de progrès - de ses étudiants autochtones.

Ces propos ne font pas beaucoup progresser le dialogue, je l'avoue. Mais, il faut se parler franchement et ne pas se laisser enliser par l'indifférence ou la culpabilité du côté blanc, ou, du côté autochtone, par un romantisme qui prétend qu'une «souveraineté-association» va rapprocher ces solitudes.