On parle beaucoup, dans le cadre de la campagne électorale, du remplacement du pont Champlain. Un investissement de plusieurs milliards de dollars dans une infrastructure publique constitue assurément une promesse électorale alléchante. Normal, me direz-vous? Non! Il n'est absolument pas normal que le remplacement de cet ouvrage essentiel soit devenu un enjeu électoral.

On parle beaucoup, dans le cadre de la campagne électorale, du remplacement du pont Champlain. Un investissement de plusieurs milliards de dollars dans une infrastructure publique constitue assurément une promesse électorale alléchante. Normal, me direz-vous? Non! Il n'est absolument pas normal que le remplacement de cet ouvrage essentiel soit devenu un enjeu électoral.

Avant d'élire un parti, nous élisons un gouvernement, un gestionnaire public dont on attend qu'il soit compétent et responsable. Or, n'importe quel gestionnaire compétent et responsable peut conclure, à partir des rapports qui lui sont faits, que l'ouvrage actuel est en fin de vie.

Son remplacement ne constitue pas un choix, comme la construction d'un complexe sportif ou d'une nouvelle route, mais une nécessité indiscutable et incontournable. Tout gouvernement responsable doit s'engager à reconstruire le pont Champlain. Point à la ligne.

Le pont Champlain est le plus achalandé au Canada. C'est un ouvrage essentiel, non seulement pour la grande région de Montréal, mais aussi pour le Canada. C'est le principal lien routier vers les provinces maritimes, ainsi qu'un axe stratégique vers l'est des États-Unis. Le trafic lourd et surtout l'utilisation massive de sels de déglaçage l'ont prématurément dégradé, au point qu'il est impossible de le réhabiliter de manière durable.

Dès lors, comme il est hors de question que ce lien soit interrompu, il faut le reconstruire en assurant la continuité du service.

Le gestionnaire du pont, la Société Les Ponts Jacques-Cartier et Champlain inc., assure être en mesure de maintenir l'ouvrage en condition sécuritaire pour encore 10 années et applique un programme d'intervention et d'entretien ainsi que des sommes importantes à cet effet. L'Ordre des ingénieurs du Québec est convaincu que la Société assume très sérieusement son rôle et qu'elle n'hésitera pas à interrompre la circulation en cas de doute.

Nous avons donc 10 années devant nous, au terme desquelles le nouveau pont devra être pleinement opérationnel. Dix années qui ne seront pas de trop pour définir le projet, faire les choix de transport collectif entre la Rive-Sud et le Grand Montréal, s'entendre sur le financement, concevoir l'ouvrage, aller en appel d'offres et le construire tout en modifiant les approches routières et les liens de transport collectif, pour finalement mettre le nouvel ouvrage en service avant de démolir le pont actuel.

Dix années, c'est un délai que nous ferions bien de prendre très au sérieux. L'échangeur Turcot, sur lequel nous devons limiter la circulation pour une durée indéterminée, nous montre ce qui peut survenir quand on veut prolonger trop longtemps la vie d'un ouvrage vieillissant. Les risques liés à la sécurité sont bien contrôlés. Par contre, le coût économique associé à la fermeture partielle d'un ouvrage stratégique risque d'être très élevé.

Dix années, c'est d'autant plus court qu'un nombre record d'intervenants doivent s'entendre: trois niveaux de gouvernement, incluant plusieurs municipalités de Montréal et de la Rive-Sud, sans compter une pléthore d'autres organismes. L'interminable saga du CHUM nous montre bien qu'un processus de décision public peut sérieusement s'enliser. Un écueil que nous devons absolument éviter.

Au-delà d'un défi technique, le remplacement du pont Champlain s'annonce d'abord comme un défi social et logistique. Un défi à notre mesure, mais qu'il faut relever dès maintenant en étant bien conscients que le temps nous est compté.