Stephen Harper et les membres du Parti conservateur doivent sûrement penser que la majorité parlementaire est à leur portée. On ne peut les blâmer, car s'il faut en croire les derniers sondages, la droite politique et corporatiste canadienne ne serait plus qu'à trois semaines de former un gouvernement majoritaire.

Stephen Harper et les membres du Parti conservateur doivent sûrement penser que la majorité parlementaire est à leur portée. On ne peut les blâmer, car s'il faut en croire les derniers sondages, la droite politique et corporatiste canadienne ne serait plus qu'à trois semaines de former un gouvernement majoritaire.

Il suffit d'avoir porté un peu d'attention au comportement de ce gouvernement alors qu'il était en situation minoritaire, pour craindre très sérieusement les prochaines années sous un pareil régime majoritaire libéré des contraintes imposées par une opposition numériquement plus forte.

La soirée électorale du 2 mai serait alors un cauchemar, tant pour les progressistes que pour les citoyens les plus vulnérables. Elle sonnerait surtout le début de la fin pour des programmes sociaux pourtant chers aux Canadiens et, en général, pour l'identité progressiste du Canada et pour sa réputation en matière d'équité et de justice sociale.

Rappelons que le Parti conservateur est une organisation politique nettement à droite, une version «légère» du Parti républicain aux États-Unis (qui se fout que plus de 50 millions de citoyens américains soient privés de toute assurance santé).  

Soyons clairs: la priorité, pour ce genre d'organisation politique et de gouvernement, c'est le laisser-faire capitaliste et le bien-être des grandes sociétés et des banques, très souvent au détriment des citoyens.

Pour enrichir les compagnies, baisser les taxes des amis, construire des prisons, dépenser 30 milliards de dollars pour des avions militaires, tout en promettant de ramener à zéro, en trois ans, un déficit de 40,5 milliards, il faudra bien prendre l'argent quelque part. Et ce quelque part, aux yeux de la droite internationale et des conservateurs, se trouve dans le rôle de l'État sur le terrain social. Lorsque Stephen Harper (ou John McCain) promet «moins de gouvernement», c'est une formule qui veut dire «moins de programmes sociaux», «moins de services publics» et le détournement des taxes des citoyens vers les milieux d'affaires.

Stephen Harper et les conservateurs semblent à ce point confiants qu'ils formeront bientôt un gouvernement majoritaire, qu'ils ont commencé à utiliser plus ouvertement des formules et des mots clés dont la signification est limpide: Canadiens, préparez-vous à des compressions dramatiques. Le programme conservateur donne bien sûr des bonbons aux électeurs (défibrillateurs cardiaques dans les arénas, baisses d'impôt pour les parents), mais il promet en même temps de ramener rapidement le déficit à zéro. Pour y arriver, il devra procéder à une profonde révision de toutes les dépenses du fédéral. «Ça ressemblera, je l'espère, à un gouvernement plus petit», a dit le ministre des Finances, Jim Flaherty.

Selon Peter DeVries, un ancien haut fonctionnaire aux Finances, le Parti conservateur devra, pour réaliser ses promesses, «donner un grand coup dans les programmes gouvernementaux et dans les rangs de ceux qui livrent ces programmes» au public canadien. La menace de la droite conservatrice sur la survie du tissu social canadien a été rendue encore plus pesante par le silence même de Stephen Harper, qui a refusé à trois reprises de répondre à des questions portant sur des coupes de 4 milliards. Sur les programmes et dépenses qui seront ciblés, Jim Flaherty aurait qualifié l'opération «d'agressive».

Voilà où nous en sommes. Se peut-il que les Canadiens jettent par la fenêtre, le soir du 2 mai, non seulement des décennies de travail pour l'avancement social des citoyens, mais aussi l'identité progressiste et solidaire du Canada? Oui, cela se peut bien.