Quoique lourd et cacophonique par moments, le débat en français a été moins terne que celui de la veille. Il faut dire que ses enjeux sont beaucoup moins importants: seuls le Bloc et le Parti conservateur y jouaient vraiment gros.

Quoique lourd et cacophonique par moments, le débat en français a été moins terne que celui de la veille. Il faut dire que ses enjeux sont beaucoup moins importants: seuls le Bloc et le Parti conservateur y jouaient vraiment gros.

Le premier ministre Harper est demeuré la cible principale et le Bloc a pu se concentrer sur l'offensive, bien qu'on s'attendait à ce que Michael Ignatieff et Jack Layton le martèlent pour profiter de la disponibilité d'un électorat à la recherche de changement.  

Stephen Harper s'est comporté en homme d'État. Il a subi les attaques conjuguées de ses adversaires sans broncher et, c'est sa grande force, s'est adressé au public par-dessus la tête de ses adversaires et même des journalistes: les téléspectateurs se sont sentis interpellés malgré son ton monocorde.

C'est d'ailleurs la facture de la campagne conservatrice depuis le début. Il n'a pas véritablement répondu aux questions et s'en est tenu obstinément à son message: réélire un gouvernement minoritaire serait néfaste pour l'économie, il faut donc donner la majorité aux conservateurs, les plus responsables sur le plan économique.

Les attaques sur son mépris du Parlement, sur le caractère néfaste des baisses d'impôts pour les entreprises ou sur le pacte avec Terre-Neuve le laissent de marbre, comme une bonne part de l'électorat d'ailleurs. Il n'a probablement gagné aucun nouvel appui, mais n'en a pas perdu non plus. Note: B.

Michael Ignatieff a choisi de jouer le rôle du bon père de famille responsable qui ramènera une gestion humaine et responsable à Ottawa et qui respectera les droits des Canadiens. La posture est bonne, mais la conviction du leader libéral est inégale, inspirante par moments, mais le plus souvent sans sel ni condiments. Le passé du PLC, sur le plan constitutionnel entre autres, lui a été lourdement reproché par M. Duceppe. Son populisme de gauche a parfois tourné à la démagogie. Malgré une grande dépense d'énergie, il n'a pas marqué beaucoup de points (sauf contre Jack Layton sur l'Afghanistan) et n'a pas convaincu beaucoup d'électeurs. Note: C.

Jack Layton a sans cesse tenté de mettre de l'avant le programme social-démocrate du NPD, mais il a été ébranlé dès le début quand Gilles Duceppe lui a dit qu'il savait lui-même qu'il ne serait pas premier ministre. Ses positions centralisatrices (notamment dans le domaine de la santé) ont été dénoncées par le chef du Bloc à maintes reprises. Il n'a pas démontré qu'il faisait la distinction entre les besoins et les ressources, essentielles à qui veut devenir premier ministre, et il a perdu les quelques plumes qu'il avait récoltées ces dernières semaines. Note: C-.

La performance de Gilles Duceppe a été solide, mais pas déterminante. Il a sonné le tocsin si souvent que son mantra à l'effet que «seul le Bloc peut stopper Harper» tourne à la caricature, comme Jack Layton l'a fait ressortir avec humour. Sa fixation sur les « intérêts du Québec » et les «compétences provinciales» ainsi que sa répétition du vocable «Québec» à toutes les 30 secondes finissent aussi par agacer. Dans le thème sur la place du Québec, il a été très arrogant et n'a cessé de couper la parole aux autres chefs. Il a placé quelques bons jabs au moyen d'exemples précis (sur l'assurance emploi, notamment), mais il n'a pas réussi à ébranler Stephen Harper. Son mépris patent à l'égard de MM. Ignatieff et Layton, qu'il considère manifestement comme des quantités négligeables, lui a nui. Son plaidoyer insistant pour la souveraineté était déplacé dans un tel forum. Il a sans doute néanmoins consolidé son électorat, mais n'a rallié que les convaincus. Note: B+.

En somme, ce débat ne devrait pas bouleverser les intentions de vote, mais il a sans doute consolidé l'image de Stephen Harper comme meilleur premier ministre et peut-être sauvé la campagne du Bloc.