La coalition mise sur pied par les Occidentaux pour intervenir en Libye ressemble de plus en plus à une Nef des fous en route vers des récifs annonciateurs d'une catastrophe.

La coalition mise sur pied par les Occidentaux pour intervenir en Libye ressemble de plus en plus à une Nef des fous en route vers des récifs annonciateurs d'une catastrophe.

Jamais les États d'une coalition ne se sont livrés entre eux à des attaques aussi vicieuses et mesquines. Les responsables de cette situation sont nombreux, mais Nicolas Sarkozy est assurément le premier d'entre eux.

L'intervention militaire contre la Libye ne fait pas l'unanimité depuis le moment où, il y a un mois, certains avaient commencé à l'évoquer. Pourquoi intervenir dans ce conflit plutôt que dans un autre?

Après quelques semaines d'hésitations, les Américains se sont ralliés au couple franco-britannique et ont appuyé une résolution au Conseil de sécurité approuvant l'usage de la force. D'autres pays, dont le Canada, se sont finalement rangés. Le président français a convoqué un sommet à Paris où 21 dirigeants se sont joints à lui afin de discuter des grandes lignes de l'opération mise au point par les planificateurs militaires. La réunion était à peine terminée que Nicolas Sarkozy est sorti de la salle faire une déclaration et provoquer le fiasco diplomatique.

Depuis cinq jours, présidents, premiers ministres, ministres, députés et secrétaires généraux ne ratent pas une occasion de se tirer dessus et de dire tout le mal qu'ils pensent l'un de l'autre.

De toute évidence, lorsque le président français se présente devant les médias, tous les fils n'ont pas été attachés. Dès samedi, pressé d'apparaître comme le chef de cette opération, il annonce sans en informer ses autres partenaires que les avions français bombardent déjà la Libye. On pique une première colère.

Lundi, alors que les bombes causent 48 pertes civiles, le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini, s'insurge et prévient que son pays «allait vérifier soigneusement que toutes les actions entreprises sont conformes aux objectifs de la résolution». Il veut s'assurer de la destination finale de chaque missile et semble s'étonner qu'une guerre puisse occasionner des pertes civiles. C'est pourtant le même Frattini qui n'avait pas dit un mot devant la mort de 150 000 Irakiens pendant la guerre américano-britannique appuyée par son gouvernement.

Mardi, la Turquie s'emballe. Le premier ministre Recep Erdogan affirme que son pays «ne sera jamais celui qui pointe une arme contre le peuple libyen». Son ministre responsable de l'Europe en rajoute et accuse M. Sarkozy d'exploiter la guerre à des fins électoralistes. En Italie, le président de la Commission Défense du Sénat accuse la France d'être mue par la volonté d'obtenir des contrats pétroliers auprès des futures autorités libyennes. «L'Italie ne peut pas avoir seulement les immigrés, nous devons absolument protéger nos investissements.» La presse italienne titre: «L'Italie bombarde la France!»

M. Frattini revient en scène mardi soir avec une déclaration pour le moins étonnante. «Maintenant que les actes que tout le monde jugeait inacceptables ont cessé, le moment est venu d'en revenir aux règles», dit-il, laissant croire que les civils ne sont plus attaqués et que la coalition n'a donc plus à intervenir. Quelques heures plus tard, elle frappe de nouveau. On nage en pleine confusion, et je vous épargne les contradictions sur la nécessité ou non de viser Kadhafi ou de déployer des troupes au sol.

Enfin, la plupart des pays veulent un transfert des opérations vers l'OTAN afin de remettre la France à sa place. Paris dit non et son ambassadeur claque la porte d'une réunion houleuse à Bruxelles. Finalement, on parvient à un accord bancal et fragile mercredi soir: l'OTAN va gérer les opérations militaires au jour le jour, un comité des pays de la coalition va s'occuper de la direction politique. Pour mener une opération militaire, la formule est désastreuse.

Aujourd'hui, le Conseil de sécurité se réunit pour étudier une plainte de la Libye et une offre de cessez-le-feu. On verra si la foire d'empoigne se poursuit.