Le débat sur les pensions évolue. La semaine dernière, deux pas ont été franchis. Le discours sur le budget québécois a annoncé que le gouvernement se propose de légiférer afin de permettre le développement de nouveaux régimes volontaires d'épargne-retraite. Chaque employeur aurait l'obligation d'offrir un tel régime sans pour autant être obligé d'y cotiser. Les employés qui ne bénéficient pas d'un régime d'employeur seraient inscrits automatiquement, mais pourraient se retirer.

Le débat sur les pensions évolue. La semaine dernière, deux pas ont été franchis. Le discours sur le budget québécois a annoncé que le gouvernement se propose de légiférer afin de permettre le développement de nouveaux régimes volontaires d'épargne-retraite. Chaque employeur aurait l'obligation d'offrir un tel régime sans pour autant être obligé d'y cotiser. Les employés qui ne bénéficient pas d'un régime d'employeur seraient inscrits automatiquement, mais pourraient se retirer.

L'opposition péquiste s'était prononcée la veille en faveur de l'épargne automatique avec option de retrait. Selon cette approche, moins rigide que l'épargne obligatoire, les travailleurs seraient automatiquement tenus d'épargner bien qu'ils auraient l'option de se soustraire de cette obligation.

La proposition comprise dans le budget confirme l'intérêt du gouvernement envers la question des pensions, mais soulève bien des interrogations.

En effet, plus de 60% des travailleurs, soit environ deux millions et demi, ne sont pas couverts par des régimes d'employeur. Ces régimes ont, au cours des dernières années, littéralement fondu en nombre (6964 en 1985 à 2870 en 2009) et en termes de protection. C'est pour cette raison que la grande majorité des travailleurs de la classe moyenne ne seront clairement pas en mesure de maintenir un niveau de vie acceptable à la retraite.

Avec l'arrivée des baby-boomers aux âges de la retraite, nous nous dirigeons ainsi vers une véritable crise. Seul l'État peut et doit agir. Il doit, pour des motifs d'ordre social et économique, faire en sorte que le plus grand nombre possible de travailleurs bénéficient d'une protection de base pour complémenter la pension de vieillesse et le Régime de rentes du Québec. Il ne s'agit pas ici de superflu, mais bien de couvrir un besoin essentiel.

Or, le gouvernement entend se fier aux employeurs pour faire la promotion de régimes de retraite dans leurs entreprises. Nous savons pourtant que les efforts de promotion de la Régie des rentes en faveur de régimes simplifiés n'ont donné aucun résultat digne de mention. Qu'est-ce qui permet de croire que les employeurs seraient dorénavant enclins à s'engager dans cette voie?

Il faut être conscient que plus d'un million des travailleurs dont il est question ici sont autonomes ou sont des employés d'entreprises qui ne comptent que quelques employés. Ils ont bien d'autres préoccupations plus pressantes que celle de leurs pensions.

Si l'on veut vraiment atteindre la très grande majorité des travailleurs de la classe moyenne, ils devraient être tenus d'épargner, avec une option de retrait bien circonscrite, en vue de leur retraite. En effet, le travailleur qui n'épargne pas en vue de sa retraite agit à la fois de manière inéquitable et irresponsable. Il reporte en effet le fardeau éventuel dû à son insouciance sur ceux qui auront fait preuve de prévoyance et l'effort d'épargner.

L'épargne automatique pourrait être mise en place rapidement et sans grands frais. Les mécanismes de perception des cotisations et d'inscription des épargnes dans des comptes individuels sont déjà en place au ministère du Revenu et à la Régie des rentes. Pourquoi, au lieu d'utiliser ces mécanismes dont les frais administratifs sont déjà couverts, le gouvernement veut-il faire intervenir les employeurs? Ce qui entraînerait inévitablement des frais additionnels et, à cause du manque d'intérêt des employeurs, un taux plus faible de participation des travailleurs. Tous les dollars épargnés devraient servir au paiement de rentes de retraite et non pas à des frais inutiles.

La question suivante est celle de savoir si les employeurs devraient cotiser. Une cotisation de la part des employeurs aurait évidemment l'avantage de hausser les rentes de retraite.

Par contre, une telle cotisation aurait le désavantage très réel d'imposer aux employeurs, des PME pour un grand nombre, une nouvelle charge financière. Or, la plupart doivent faire face à une concurrence féroce de pays telle que la Chine, où les employeurs versent des salaires minimes et n'assument aucune charge sociale à l'égard de leurs employés. Ils sont aussi confrontés par des employeurs américains, tel Electrolux, qui n'ont aucune fidélité à l'égard de leurs employés.

Cet aspect ne peut être ignoré. Aussi, si la décision était prise d'obliger les employeurs à cotiser, le niveau de la cotisation ne devrait pas être trop élevé, soit 2% à 2,5%.

La dernière grande question a été soulevée par certains à la suite du budget. Serait-il préférable de bonifier le Régime des rentes du Québec (RRQ) en haussant la couverture de 25% à 50% et en doublant le maximum des gains admissibles?

Cette proposition, alléchante en apparence, comporte des désavantages importants. Mentionnons seulement qu'elle ferait passer les cotisations de 10% à 20% des gains admissibles en plus du rattrapage de 1% déjà annoncé. Ce qui serait clairement prohibitif. Cette proposition aurait aussi pour effet de transférer à la main-d'oeuvre active, qui va déjà en avoir beaucoup sur les épaules, un lourd fardeau additionnel.

La bonification du RRQ obligerait en outre les employeurs à modifier profondément les régimes de retraite en place ou à y mettre fin. Nous pouvons facilement imaginer les réactions des employés couverts par ces régimes, notamment ceux du gouvernement, des secteurs de la santé et de l'éducation et les employés municipaux devant la perspective d'une amputation majeure des généreux avantages dont ils bénéficient.

Ces trois grandes questions vont devoir être précisées avant de discuter les autres modalités. Il faut souhaiter que le débat se poursuive, car les enjeux sont majeurs. Plus on tarde à agir, plus les lendemains risquent d'être pénibles pour des centaines de milliers de travailleurs et, en fin de compte, pour toute la société.