De tous les États qui, à des degrés divers, ont exprimé leur sympathie ou leur soutien à la rébellion contre le régime de Kadhafi, la France de Nicolas Sarkozy s'est fait le champion hors catégorie en préconisant dès le début de la rébellion une action militaire internationale pour interdire l'espace aérien de la Libye aux forces gouvernementales.

De tous les États qui, à des degrés divers, ont exprimé leur sympathie ou leur soutien à la rébellion contre le régime de Kadhafi, la France de Nicolas Sarkozy s'est fait le champion hors catégorie en préconisant dès le début de la rébellion une action militaire internationale pour interdire l'espace aérien de la Libye aux forces gouvernementales.

Malgré toutes les réticences qui se manifestaient de part et d'autre, et bien que les forces aériennes s'avéraient au jour le jour moins décisives dans la contre-offensive du régime, M. Sarkozy n'a cessé de déployer auprès des membres du G8, de l'Union européenne, aux Nations unies et dans toutes les directions une intense et fébrile activité diplomatique à cet effet.

La France a été le seul pays à reconnaître officiellement un nouveau gouvernement libyen formé par la principale formation rebelle dont l'autorité sur les autres était loin d'être évidente. L'échec prévisible de tout l'activisme de M. Sarkozy faisait encore cette semaine l'objet de plusieurs commentaires sarcastiques d'observateurs parisiens. Ils y ont vu une ultime manifestation de l'agitation exhibitionniste qui le caractérise et qui l'a conduit au plus bas dans tous les sondages.

Le rôle joué par Bernard Henri Lévy comme conseiller et porteur de son message dans ce dossier ne pouvait qu'alimenter ce jugement. Certes, plusieurs pans de son entreprise portaient bien la marque de Sarkozy dans ce qu'elle peut souvent avoir de dérisoire, mais elle avait néanmoins des mérites importants.

Depuis des années, l'Europe et même ses membres pris individuellement, faisaient preuve d'une incapacité à exercer quelque leadership international à la hauteur de leur poids économique. Or la France n'agissait pas seule dans son entreprise et travaillait en étroite concertation avec l'Angleterre et c'était là un fait nouveau et très significatif.

Jusque-là, l'Angleterre avait toujours tenu à inscrire toute son action internationale dans le cadre de l'OTAN, sous la direction des États-Unis dont elle était l'alliée le plus docile. Elle a passé outre ici aux réticences de Washington. C'est ensemble que les deux pays ont préparé le projet de résolution qui, après un ultime et incertain round de tractations, vient tout juste d'être adopté au Conseil de sécurité de l'ONU. La Russie et la Chine se sont contentées de s'abstenir avec l'Allemane, l'Inde et le Brésil. Seuls des bombardements sont autorisés. Elle interdit toute action au sol. Il est peu probable qu'elle puisse renverser la contre-offensive de Kadhafi.

Avant-hier encore, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy faisaient valoir que si une action était intervenue une semaine plus tôt, les combats en Libye auraient pu prendre une tournure différente. Ils réclamaient déjà le crédit moral et politique d'avoir fait le plus pour tenter de s'opposer au massacre appréhendé d'une répression de masse en Libye.

Les succès de Kadhafi et les tergiversations occidentales ont favorisé un renversement plus large du cours des événements dans le monde arabe qui se dessine actuellement. On le voit avec l'envoi des troupes saoudiennes au Bahreïn pour y soutenir la monarchie aux prises avec les revendications démocratiques d'un mouvement pacifique qui ne s'essoufflait pas et prenait même de l'ampleur. Elles devenaient menaçantes pour la monarchie saoudienne. Le résultat immédiat de l'arrivée de ses troupes a été la dispersion violente et meurtrière des manifestants qui occupaient la Place principale de Barheïn depuis plus de deux semaines. Ceux-ci parlent maintenant d'une occupation saoudienne de leur pays.

À Washington, où on continue à souhaiter des négociations et une issue démocratique à Barheïn, on se garde de toute critique de l'envoi des troupes d'Arabie Saoudite et des émirats du Golfe. On comprend trop facilement pourquoi. La présence de la cinquième flotte américaine basée à Barheïn, l'alliance avec l'Arabie Saoudite, le plus important État pétrolier du monde, déjà très mécontent du laisser-faire américain, ainsi que la proximité de l'Iran, pèsent très lourd. Les considérations géopolitiques reprennent tristement leurs droits sur la promotion de la démocratie.