J'enseigne dans un collège où la note la plus basse qu'on peut attribuer à un élève, la cote 1, est convertie en une note de 40% sur le bulletin. Plusieurs enseignants ont protesté, mais on nous a dit qu'il ne fallait pas désavantager nos élèves par rapport à ceux des autres écoles. On m'a subtilement fait comprendre qu'un taux d'échec d'environ 8%-10% est beaucoup trop élevé.

J'enseigne dans un collège où la note la plus basse qu'on peut attribuer à un élève, la cote 1, est convertie en une note de 40% sur le bulletin. Plusieurs enseignants ont protesté, mais on nous a dit qu'il ne fallait pas désavantager nos élèves par rapport à ceux des autres écoles. On m'a subtilement fait comprendre qu'un taux d'échec d'environ 8%-10% est beaucoup trop élevé.

Cela dit, je crois comprendre quelles sont les véritables intentions du gouvernement québécois derrière l'augmentation artificielle des notes scolaires. Elles ont à voir avec la démographie et le manque de main-d'oeuvre appréhendé. Cette pénurie est déjà bien palpable dans plusieurs secteurs économiques et plusieurs régions du Québec. Elle s'accentuera au cours des prochaines années avec les retraites des boomers et, à l'inverse, avec l'arrivée d'un nombre plus faible de jeunes sur le marché du travail.  

Les jeunes de moins de 20 ans ne sont pas nombreux par rapport aux générations précédentes et ce sera encore pire dans quelques années. Voyez les derniers chiffres (au 1er juillet 2010): 5-9 ans (386 746), 10-14 (419 048), 15-19 (499 594), 20-24 (496 925), 25-29 (534 285), 30-34 (547 989).

L'immigration ne suffira pas à combler le manque à gagner, d'autant plus que le Québec a de la difficulté à «garder» ses immigrants. Il ne faut pas s'étonner non plus si Québec adopte des mesures pour inciter les travailleurs à reporter l'âge de leur retraite, mais cela non plus ne sera pas assez, d'autant plus que les Québécois prennent leur retraite plus tôt que les autres Canadiens. Le manque de main-d'oeuvre anticipé signifie que toute forme d'échec et de décrochage scolaire deviendra un «luxe» qu'on ne pourra plus se permettre.

La pénurie de main-d'oeuvre est un frein important à la croissance économique. Ce problème donne déjà des maux de tête aux entrepreneurs et n'encourage pas les investisseurs à venir ici. Si le gouvernement veut les attirer et les retenir, il doit s'assurer qu'une main-d'oeuvre suffisante est disponible.  

Cela paraît très bien sur papier d'avoir de hauts taux de réussite et peu de décrochage, ça donne l'image positive d'une société qui croit en l'éducation et qui a un bon bassin de travailleurs. De ce point de vue, que ces jeunes aient des diplômes qui ont une valeur moindre, en fin de compte, est-ce si grave?   

Nous aurons beau déplorer ces changements absurdes, je vois mal comment on pourrait atténuer ce problème autrement. Bien sûr, il serait facile de croire qu'avec plus de ressources et avec une plus grande valorisation de l'éducation, on pourrait faire des miracles et augmenter les taux de réussite sans abaisser les standards. Je ne dis pas qu'il ne faut pas essayer, mais soyons réalistes : les nombreuses mesures adoptées depuis une vingtaine d'années n'ont pas fait reculer le taux de décrochage scolaire de façon significative.

Par ailleurs, on sait bien que la situation précaire de nos finances publiques fait en sorte que tout investissement substantiel additionnel en éducation est impossible. La solution facile dans les circonstances n'est-elle pas de faire comme ce que propose Québec? C'est mettre un pansement sur un bobo infecté, mais au moins, on ne voit plus le bobo...