Reconstruire. Réparer. Remédier. Ces trois verbes suggèrent la nécessité de revenir à quelque chose d'antérieur à une situation, à rebâtir ce qui était en place auparavant. Ces temps-ci, ces verbes sont employés ad nauseam en référence à Haïti. En particulier le verbe reconstruire.

Reconstruire. Réparer. Remédier. Ces trois verbes suggèrent la nécessité de revenir à quelque chose d'antérieur à une situation, à rebâtir ce qui était en place auparavant. Ces temps-ci, ces verbes sont employés ad nauseam en référence à Haïti. En particulier le verbe reconstruire.

Or, ce choix terminologique pose un problème de compréhension politico-stratégique de la situation en Haïti: que comptons-nous reconstruire exactement?

En effet, si l'on s'en tient aux données statistiques de la CIA antérieures au 12 janvier 2010, on peut dresser le portrait économique suivant d'Haïti: 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté; un taux d'analphabètes de près de 70%; un gouvernement recevant 80% de son budget de l'aide internationale; un taux de chômage de 60%; une espérance de vie de 29,93 ans à la naissance; 70% des enseignants détiennent un niveau de scolarité inférieur à la quatrième secondaire. Et on pourrait allonger cette liste pessimiste sur des pages et des pages...

En Haïti, le problème ne tient pas au fait qu'un gouvernement autoritaire et tyrannique accable sa population sous des mesures économiques et politiques inhumaines. En Haïti, le gouvernement est tout simplement absent. Absent sur le plan économique, dans la mesure où il a toujours été dépendant de l'aide internationale. Absent sur le plan politique, dans la mesure où cet État peine à faire respecter les grands principes énumérés dans la constitution du pays, tel le droit à l'éducation gratuite.

Alors, quand on parle de reconstruire Haïti, que voulons-nous reconstruire exactement? Reconstruire un État incompétent? Reconstruire un système de production de misère humaine? Rebâtir des pseudo-institutions étatiques, incapables de répondre aux besoins de la population? Non. En Haïti, l'enjeu est plutôt de trouver un moyen de construire un vrai pays. Un pays doté d'un gouvernement responsable, autosuffisant, capable de répondre aux besoins de sa population sans avoir à toujours demander de l'aide aux pays étrangers.

Cette vision pourrait paraître utopique, mais c'est la seule qui mérite d'être poursuivie. Jusqu'à ce jour, le travail de milliers d'ONG présentes sur le terrain ne fait qu'accroître la passivité du gouvernement haïtien. Les ONG reconstruisent des maisons, des écoles, des institutions publiques, ce qui n'arrange rien à la situation.

En Haïti, ce n'est pas l'aide internationale qui manque au rendez-vous; c'est plutôt un système politique et administratif dysfonctionnel qui bloque la voie au progrès. L'avenir d'Haïti repose avant tout sur la construction d'un appareil politico-administratif haïtien responsable, essentiel à la mise en place d'infrastructures fonctionnelles et durables.

Or, la mise en place d'un tel système ne peut se faire qu'avec une population éduquée, apte à s'impliquer dans l'édification d'un État responsable. Donner à la population une éducation scolaire complète et éliminer du pouvoir politique une élite oligarchique, indifférente à l'endroit des besoins de la population: tels doivent être les premiers vers la construction d'Haïti.